Année 2021
Le Conseil constitutionnel,
-Vu la Constitution, notamment ses articles 195,198 et 224,
-Sur renvoi de la Cour suprême, le Conseil constitutionnel a été rendu destinataire le 20 octobre 2020 d’une décision datée du 13 octobre 2020, sous le numéro de rôle 00005/20, enregistrée en date du 20 octobre 2020 au bureau du greffe du Conseil constitutionnel, sous le numéro 03/20, relative à l’exception soulevée par (H. S. B. S), représenté par ses avocats maître (B. D.) et (Z. N), agrées près la Cour suprême et le Conseil d’Etat, qui conteste la constitutionnalité de l’article 33 du code de procédure civile et administrative ;
−Vu la loi organique n° 18-16 du 22 Dhou El Hidja 1439 correspondant au 2 septembre 2018 fixant les conditions et modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité ;
−Vu le règlement du 7 Ramadhan 1440 correspondant au 12 mai 2019, modifié et complété, fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;
−Vu la loi n°08− 09 du 18 Safar 1429 correspondant au 25 février 2008 portant code de procédure civile et administrative ;
−Après avoir pris connaissance de la décision de renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité susmentionnée et des pièces annexées ;
− Après avoir pris connaissance de la notification transmise au Président de la République, enregistrée au bureau du greffe du Conseil constitutionnel en date du 10 novembre 2020 ;
− Après avoir pris connaissance de la notification transmise au Président du Conseil de la Nation par intérim le 10 novembre 2020, enregistrée au bureau du greffe du Conseil constitutionnel ;
−Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par le Président de l’Assemblée Populaire Nationale, enregistrées au bureau du greffe du Conseil constitutionnel en date du 04 novembre 2020, dans lesquelles il demande de dire que la disposition législative, objet de l’exception d’inconstitutionnalité, est conforme à la Constitution en indiquant que l’article 33 du code de procédure civile et administrative ne porte pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et que le principe de double degré de juridiction s’applique exclusivement aux matières pénales conformément à l’article 160 (alinéa 2 ) de la Constitution (avant sa révision).
− Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par maître (B. D) et maître (Z. N) représentants de (H. S. B. S) enregistrées le 08 novembre 2020, et les réponses écrites enregistrées le 23 novembre 2020 et 14 janvier 2021 au bureau du greffe du Conseil constitutionnel, dans lesquelles il sollicite de déclarer l’article 33 du code de procédure civile et administrative inconstitutionnel, en soulignant que celui-ci est contraire aux dispositions de l’article 158 de la Constitution (avant sa révision) et porte atteinte aux droits et libertés des citoyens garantis par la Constitution, et qu’elle a introduit une discrimination entre les justiciables les privant d’un degré de juridiction ;
−Après avoir pris connaissance des observations présentées par maître (B.H .S) représentante de (B. H .L), défendeur dans l’affaire de l’exception d’inconstitutionnalité, enregistrées le 08 novembre 2020 au bureau du greffe du Conseil constitutionnel, dans lesquelles il sollicite de déclarer non sérieux l’exception au motif que l’article 33, objet de l’exception, n’est pas en contradiction avec les dispositions de la Constitution car il est à caractère général, abstrait et ne porte pas atteinte au principe d’égalité ;
− Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par le Premier Ministre enregistrées le 09 novembre 2020 au bureau du greffe du Conseil constitutionnel, dans lesquelles il considère qu’il appartient au Conseil constitutionnel de statuer sur sa conformité à la Constitution, en indiquant que l’article 33, objet de l’exception, ne porte pas atteinte au principe d’égalité devant la justice ;
−Le membre rapporteur entendu dans la lecture de son rapport en audience publique tenue le 03 février 2021 ;
−Après avoir entendu les observations orales présentées par maître (B. D.) et maître (B. A), représentants du demandeur (H .S. B. S), à la même audience, qui a affirmé que la révision constitutionnelle, entrée immédiatement en vigueur, a consacré le principe de double degré de juridiction et a sollicité le maintiendes observations écrites présentées, visant à déclarer l’inconstitutionnalité de l’article objet de l’exception ;
−Après avoir entendu les observations orales de maître (B. H. S), représentante du défendeur qui a maintenu les observations écrites présentées, visant à déclarer la constitutionnalité de l’article objet de l’exception ;
−Après avoir entendu les observations orales du représentant du Gouvernement, (L.B), Directeur Général des affaires judicaires et juridiques au ministère de la Justice, qui a maintenu les observations écrites présentées, visant à déclarer l’article 33 du code de procédure civile et administrative, constitutionnel ;
Après délibération,
−Considérant que Mr (H. S. B.S), représenté par ses avocats maître (B .D) et maître (Z. N), a soulevé l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 33 du code de procédure civile et administrative qui prévoit que « le tribunal statue en premier et dernier ressort dans les actions dont le montant n’excède pas deux cent mille dinars (200.000 DA).
Si le montant des demandes présentées par le demandeur n’excède pas deux cent mille dinars (200.000 DA), le tribunal statue en premier et dernier ressort même si le montant des demandes reconventionnelles ou en compensation dépasse ce montant.
Il statue dans les autres actions par jugements susceptibles d’appel au motif qu’il constitue une atteinte au principe de légalité et d’égalité consacré par l’article 158 de la Constitution (avant sa révision), et qu’il a introduit une discrimination entre les justiciables privant certains d’entre eux d’un des deux degrés de juridiction ;
−Considérant que la révision constitutionnelle adoptée par referendum du 1er novembre 2020 promulgué par décret présidentiel n° 20 – 442 du 15 joumada El Oula 1442 correspondant au 30 décembre 2020 paru au journal officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire n° 82 du 15 Joumada El Oula 1442 correspondant au 30 décembre 2020, a consacré le principe de double degré prévu par l’ article 165 qui dispose que :
» La justice est fondée sur les principes de légalité et d’égalité.
Elle est accessible à tous.
La loi garantit le double degré de juridiction. La loi en précise les conditions et les modalités de son application. «
−Considérant que la Constitution, après sa révision, a établi le principe du double degré et a renvoyé son application à la loi, que si l’article 34 de la Constitution interdit touterestriction à l’exercice des droits, sauf pour des motifs liés au maintien de l’ordre public, de la sécurité, et de la protection des constantes nationales ainsi que ceux nécessaire à la sauvegarde d’autres droits et libertés protégés par la Constitution, le législateur n’est pas en mesure d’ imposer des limites à l’exercice du droit au double degré de juridiction ;
−Considérant qu’en prévoyant, à l’article 33 (alinéas 1er et 2) du code de procédure civile et administrative, de statuer en premier et dernier ressort dans les affaires qui ne dépassent pas deux cent mille dinars (200 000DA), le législateur aura introduit une discrimination entre les justiciables quant à l’exercice de leur droit au double degré de juridiction, contrairement à ce qui a été expressément consacré par le constituant en vertu de l’article 165 de la Constitution ;
−Considérant que le principe d’égalité des citoyens devant la loi et la justice tel que garanti par la Constitution conformément à l’article 37 et 165 impose au législateur d’accorder aux parties le droit d’interjeter appel contre les décisions rendues en matière civile nonobstant le montant des demandes présentées tel que prévu par l’article 33 (alinéas 1er et 2) du code de procédure civile et administrative ;
−Considérant, par conséquent, que l’article 33 (alinéas 1er et 2) du code de procédure civile et administrative suscitée, est contraire à l’alinéa 3 de l’article 165 de la Constitution, dès lors il est inconstitutionnel ;
−Considérant que conformément à l’article 198 (alinéa 4) de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de fixer le jour à partir duquel la disposition législative déclarée inconstitutionnelle perd tout effet.
Décide ce qui suit :
Premièrement : l’article 33 (alinéas 1er et 2) du code de procédure civile et administrative est inconstitutionnel.
Deuxièmement : la disposition législative cesse son effet immédiatement.
Troisièmement : l’effet de cette décision s’applique à tous les jugements en matière civile dont les délais d’appel n’ont pas été épuisés au moment de l’application des dispositions de l’article 33 (alinéa 1 et 2) du code susvisé.
Quatrièmement : Le Président de la République, le Président du Conseil de la Nation par intérim, le Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre, sont informés de la présente décision.
Cinquièmement : La présente décision sera notifiée au Premier Président de la Cour suprême.
Sixièmement : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire.
Ainsi en a-t-il été délibéré par le Conseil constitutionnel en ses séances des 10,11 et 26 Joumada Ethania 1442 correspondant aux 24, 25 janvier et 9 février 2021.
Le président du Conseil constitutionnel
Kamel FENICHE
Mohamed HABCHI, vice-président ;
Salima MOUSSERATI, membre ;
Brahim BOUTKHIL, membre ;
Mohammed Réda OUSAHLA, membre ;
Abdennour GRAOUI, membre ;
Lachemi BRAHMI, membre ;
M’Hamed ADDA DJELLOUL, membre ;
Amar BOURAOUI, membre.
Année 2020
Le Conseil constitutionnel,
En application de l’article 188 de la Constitution et sur saisine sur renvoi de la Cour suprême, le Conseil constitutionnel a été rendu destinataire, le 15 janvier 2020,d’une décision datée du 26 décembre 2019, sous le numéro de rôle 00016/19 relative à l’exception soulevée par (H.R)et (B.R), représentés par leurs avocats, maîtres (B.F) et (O.S),agréés près la Cour suprême et le Conseil d’Etat qui contestent la constitutionnalité de l’article 496 (point 6) du code de procédure pénale, modifié et complété ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi organique n° 18-16 du 22 Dhou El Hidja 1439correspondant au 2 septembre 2018 fixant les conditions et modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité ;
Vu le règlement du 7 Ramadhan 1440 correspondant au12 mai 2019, modifié et complété, fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;
Vu l’ordonnance n° 66-155 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale ;
Après avoir pris connaissance de la décision de renvoi d’une exception d’inconstitutionnalité par la Cour suprême en date du 26 décembre 2019, sous le numéro de rôle 00016/19 et des pièces annexes ;
Après avoir pris connaissance des observations et des réponses écrites présentées par le président du Conseil de la Nation par intérim, le président de l’Assemblée Populaire Nationale, le Premier ministre et les parties ;
Le rapporteur entendu dans la lecture de son rapport en audience ;
Après avoir entendu les observations orales présentées par maître (O.S) avocat représentant (H.R) et (B.R), dans lesquelles il s’est tenu au contenu dans ses observations écrites ;
Après avoir entendu les observations orales présentées parle représentant du Gouvernement, dans lesquelles il s’est tenu au contenu des observations écrites du Premier ministre ;
Après délibération,
- Considérant que (H.R) et (B.R) représentés parleurs avocats, maîtres (B.F) et (O.S) ont soulevé l’inconstitutionnalité de l’article 496 (point 6) du code de procédure pénale au motif que cette disposition les prive de se pourvoir en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour d’Alger, le 28 mars 2019, ayant prononcé leur condamnation à une amende ferme d’un montant de 20.000 DA pour avoir établi sciemment des faits inexacts, que ces faits sont prévus et punis par l’article 228 (alinéas 1er et 3) du code pénal ;
- Considérant qu’ils soulèvent, dans leur mémoire en exception d’inconstitutionnalité, que leur exception satisfait aux conditions et procédures régissant l’exception
d’inconstitutionnalité conformément aux dispositions de la loi organique n° 18-16 du 2 septembre 2018, susvisée, et qu’ils s’en tiennent à l’inconstitutionnalité de l’article 496(point 6) qui dispose que : « Ne peuvent être frappés de pourvoi, les jugements et arrêts statuant sur le fond et rendus en dernier ressort en matière de délits ayant prononcé une peine d’amende égale ou inférieure à 50.000 DA … ». Ils considèrent que cette disposition les prive de l’exercice de leur droit de se pourvoir en cassation garanti par la Constitution qui consacre le principe du double degré de juridiction en matière pénale, conformément à l’article 160(alinéa 2) de la Constitution ;
- Considérant qu’en date du 4 juillet 2019, ils ont présenté des mémoires additifs à l’appui de leur exception d’inconstitutionnalité, dans lesquels ils considèrent que l’article 496 (point 6) du code de procédure pénale les prive de leur droit de se pourvoir en cassation contre les jugements et arrêts statuant sur le fond et rendus en dernier ressort en matière de délits au regard du montant de l’amende prononcé, égal ou n’excédant pas 50.000 DA, ce qui est en contradiction avec les dispositions de l’article 171(alinéas 1er et 3) de la Constitution qui dispose que : « La Cour suprême constitue l’organe régulateur de l’activité des Cours et La Cour suprême et le Conseil d’Etat assurent l’unification de la jurisprudence à travers le pays et veillent au respect de la loi » ;
- Considérant qu’en date du 10 décembre 2019, les demandeurs ont présenté des observations écrites devant la Cour suprême, soulignant qu’un préjudice leur a été causé par l’application de l’article 496 (point 6), en se fondant sur la décision du Conseil constitutionnel du 20 novembre 2019relative à l’inconstitutionnalité de l’article 416 (alinéa 1er)du code de procédure pénale ;
- Considérant que, dans ses observations écrites transmises au Conseil constitutionnel, le président du Conseil de la Nation par intérim, souligne que l’article 496 (point 6) du code de procédure pénale n’est pas en contradiction avec l’article 160 (alinéa 2) de la Constitution, car le pourvoi en cassation ne constitue pas un troisième degré de juridiction, d’une part. Il considère d’autre part, que la disposition contredit les engagements pris par l’Algérie en vertu de la convention des Nations Unies sur les droits civils et politiques ratifiée par l’Algérie. Il considère, en outre, que la rédaction actuelle de l’article 496 (point 6) s’oppose à l’esprit de l’article 1er (tiret 7) du code de procédure pénale. Il estime, par conséquent, qu’il y a lieu de procéder à un examen approfondi de ce moyen soulevé ;
- Considérant que les observations écrites transmises au Conseil constitutionnel par le président de l’Assemblée Populaire Nationale affirment que l’article 496 (point 6) du code de procédure pénale est constitutionnel et que l’article171 de la Constitution n’a pas de lien avec les droits prévus par la Constitution dès lors que cette disposition législative se limite à fixer les missions de la Cour suprême, du Conseil d’Etat et du tribunal des conflits ;
- Considérant que les observations écrites transmises au Conseil constitutionnel par le Premier ministre soulignent que l’article 496 (point 6) du code de procédure pénale confirme expressément le respect du double degré de juridiction et que l’objectif du législateur, en conditionnant la recevabilité du pourvoi en cassation, vise à réduire le nombre de recours devant la Cour suprême et à maîtriser le volume de travail judiciaire au niveau de cette juridiction suprême pour assurer le bon fonctionnement du service de la justice ;
- Considérant que le procureur général près la Cour d’Alger a justifié, dans ses observations écrites transmises au Conseil constitutionnel, les limites et les exceptions au droit de se
pourvoir en cassation prévu à l’article 496(point 6) du code de procédure pénale. Il considère l’exception infondée du fait qu’entre le premier et le deuxième mémoire, son objet a été modifié ; que le contrôle de la Cour suprême s’effectue lors de l’examen du recours qui lui est présenté ; et que le texte constitutionnel cité comme fondement, ne constitue pas un motif pour soulever tous les recours devant la Cour suprême ; et qu’il y a lieu par conséquent, de rejeter cette exception car infondée ;
- Considérant que l’article 496 de l’ordonnance n° 66-155 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale a été modifiée par l’ordonnance n°15-02 du 7 Chaoual 1436 correspondant au 23 juillet 2015.
Il devient rédigé comme suit :
« Ne peuvent être frappés de pourvoi :
- les arrêts de la chambre d’accusation relatifs à la détention provisoire et au contrôle judiciaire ;
- les arrêts de renvois de la chambre d’accusation rendus en matière de délits ou de contraventions ;
- les arrêts de la chambre d’accusation confirmant une ordonnance de non-lieu sauf par le ministère public lorsqu’il a déjà formé appel contre ladite ordonnance ;
- les jugements d’acquittement en matière criminelle sauf par le ministère public en ce qui concerne l’action publique et par le condamné, la partie civile et le civilement responsable seulement en ce qui concerne leurs intérêts civils ou la restitution des objets saisis ;
- les arrêts rendus par les Cours confirmant les jugements de relaxe en matière de contraventions et de délits punis d’un emprisonnement égal ou inférieur à trois (3) ans ;
- les jugements et arrêts statuant sur le fond et rendus en dernier ressort en matière de délits ayant prononcé une peine d’amende égale ou inférieure à 50.000 DA pour la personne physique et à 200.000 DA pour la personne morale avec ou sans réparation civile sauf si la condamnation a des effets sur les intérêts civils et à l’exception des infractions militaires et douanières ».
- Considérant que le droit au double degré de juridiction en matière pénale est prévu à l’article 160 (alinéa 2) de la Il a été affirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 01/D.CC/EI/19 du 20 novembre 2019 en vertu de laquelle il avait déclaré l’inconstitutionnalité de la disposition législative prévue aux alinéas 1er et 2 de l’article416 du code de procédure pénale. Dans le cas d’espèce, les demandeurs ont épuisé leur droit au double degré de juridiction puisque ils ont été jugés en tant qu’accusés devant un tribunal de première instance, puis, sur appel, devant la Cour ; que, par conséquent, leur droit au double degré de juridiction en matière pénale garanti par l’article 160(alinéa 2) de la Constitution, a été accompli ;
- Considérant que l’article 171 cité comme fondement, dispose que : « La Cour suprême constitue l’organe régulateur de l’activité des Cours et tribunaux… », que, par conséquent, il ne peut signifier que le pourvoi en cassation est un degré de Le recours en cassation ne constitue pas le prolongement du litige initial et que les parties ne disposent pas des avantages que leur garantit le juge de fond, dont la présentation de demandes ou moyens de défense nouveaux qui n’ont pas été précédemment présentés ;
- Considérant que les dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel l’Algérie a adhéré en vertu du décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai1989, notamment son article 2 qui dispose que chaque Etat partie s’engage à développer les possibilités de recours juridictionnel et son article 14-5 qui prévoit que : « Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure, la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi », sont contenues dans l’article 160 (alinéa 2) de la Constitution à travers le principe du double degré de juridiction en matière pénale ;
- Considérant que l’article 140 (point 7) de la Constitution a conféré au législateur toute la compétence pour légiférer en matière de règles générales de droit pénal et de procédure pénale, et notamment la détermination des crimes et délits, l’institution des peines correspondantes de toute nature, l’amnistie, l’extradition et le régime pénitentiaire. Il lui revient, par conséquent, de fixer les conditions et les procédures du pourvoi en cassation, et de prévoir, dans la loi, des exceptions et des limites, dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution ;
- Considérant, en conséquence, qu’en disposant à l’article 496 (point 6) qu’ils ne peuvent être frappés de pourvoi : « les jugements et arrêts statuant sur le fond et rendus en dernier ressort en matière de délits ayant prononcé une peine d’amende égale ou inférieure à 50.000 DA pour la personne physique et à 200.000 DA pour la personne morale avec ou sans réparation civile sauf si la condamnation a des effets sur les intérêts civils et à l’exception des infractions militaires et douanières », le législateur aura exercé la compétence qui lui est dévolue par le constituant, et que, par conséquent, il n’a pas porté atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Il convient, par conséquent, de déclarer constitutionnel le point 6 de l’article 496 du code de procédure pénale ;
En conséquence, le Conseil constitutionnel décide ce qui suit :
Premièrement : déclare le point 6 de l’article 496 du code de procédure pénale, constitutionnel.
Deuxièmement : Le Président de la République, le président du Conseil de la Nation par intérim, le président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre, sont informés de la présente décision.
Troisièmement : La présente décision est notifiée au premier président de la Cour suprême.
Quatrièmement : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en -a-t-il été délibéré par le Conseil constitutionnel en ses séances des 11, 12 et 13 Ramadhan 1441correspondant aux 4, 5 et 6 mai 2020.
Le président du Conseil constitutionnel Kamel FENICHE
Mohamed HABCHI, vice-président ;
Chadia REHAB, membre ;
Brahim BOUTKHIL, membre ;
Mohammed Réda OUSAHLA, membre ;
Abdennour GRAOUI, membre ;
Khadidja ABBAD, membre ;
Lachemi BRAHMI, membre ;
M’Hamed ADDA DJELLOUL, membre ;
Amar BOURAOUI, membre.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution, notamment ses articles 188 et 191 (alinéa 3) ;
Sur saisine sur renvoi de la Cour suprême, le Conseil constitutionnel a été rendu destinataire le 14 septembre 2020 d’une décision datée du 3 septembre 2020, sous le numéro de rôle 00004/20, enregistré en date du 14 décembre 2020 au bureau du greffe du Conseil constitutionnel, sous le numéro 02/20, relative à l’exception soulevée par A. L. B., représenté par son avocat Me. M. O., agréé près la Cour suprême et le Conseil d’Etat, qui conteste la constitutionnalité de l’article 419 du code de procédure pénale, modifié et complété ;
Vu la loi organique n° 18-16 du 22 Dhou El Hidja 1439 correspondant au 2 septembre 2018 fixant les conditions et modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité ;
Vu le règlement du 7 Ramadhan 1440 correspondant au 12 mai 2019, modifié et complété, fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;
Vu l’ordonnance n° 66-155 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale ;
Après avoir pris connaissance de la décision de renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité susmentionnée et des pièces annexes ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par le président du Conseil de la Nation par intérim, enregistrées au bureau du greffe du Conseil constitutionnel en date du 4 octobre 2020, dans lesquelles il sollicite un examen approfondi du moyen soulevé à propos de l’article 419 du code de procédure pénale ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par le Procureur général près la Cour de Bouira, enregistrées au bureau du greffe du Conseil constitutionnel en date du 4 octobre 2020, dans lesquelles il demande de dire que l’article 419 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution, car qu’il ne porte pas atteinte aux dispositions des articles 32 et 158 de la Constitution ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par le Premier ministre, enregistrées au bureau du greffe du Conseil constitutionnel en date du 11 octobre 2020, dans lesquelles il évoque l’exception soulevée et qu’il n’y a pas lieu de soulever ladite exception, car l’article 419 du code de procédure pénale ne porte pas atteinte au principe d’égalité ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par le président de l’Assemblée Populaire Nationale, enregistrées au bureau du greffe du Conseil constitutionnel en date du 11 octobre 2020, dans lesquelles il demande de déclarer non sérieux l’exception, en indiquant que le fait d’attribuer un délai plus long au Procureur général pour former son appel en matière pénale ne porte pas atteinte au principe d’égalité ;
Le membre rapporteur entendu dans la lecture de son rapport en audience publique tenue le 16 décembre 2020 ;
Après avoir entendu les observations orales présentées par le représentant du Gouvernement et le Procureur général près la Cour de Bouira, qui ont maintenu leur demandes écrites, à la même audience ;
Après avoir entendu les observations orales présentées par Me. M. K. représentant du défendeur A. K., à la même audience, demandant le rejet de la requête pour non fondement ;
Après délibération :
— Considérant que le requérant A. L. B., représenté par son avocat Me. M. O., a soulevé l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 419 du code de procédure pénale qui prévoit que « le Procureur général forme son appel dans le délai de deux (2) mois, à compter du jour du prononcé du jugement. Ce délai ne fait pas obstacle à l’exécution du jugement », au motif que cette disposition accorde au Procureur général un délai plus large pour former son appel, contrairement à ce qui est prévu pour les autres parties qui, eux, ont un délai plus court, dix (10) jours, conformément à l’article 418 du même code, en accordant au Procureur général et au Procureur de la République, qui est le représentant du Procureur général près des tribunaux, un double appel des jugements, ce qui constitue un privilège accordé au Procureur général et un statut préférentiel par rapport aux autres parties, et une atteinte au principe d’égalité devant la loi et la justice garantie en vertu des articles 32 et 158 de la Constitution, l’article 11 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme, l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’article 13 de la Charte arabe des droits de l’Homme et l’article 3 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ;
— Considérant que l’article 32 de la Constitution qui dispose que « les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale », garantit l’égalité des citoyens devant la loi et le principe d’égalité des citoyens devant la justice qui en découle, conformément au texte de l’article 158 (alinéa 2) de la Constitution qui prévoit qu’« elle est égale pour tous, accessible à tous et s’exprime par le respect du droit » ;
— Considérant que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, auquel l’Algérie a adhéré en vertu du décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989, notamment son article 14 (alinéa 1er) dispose que « tous sont égaux devant les tribunaux et les Cours de justice » ;
— Considérant que la loi s’applique de manière égale à tous, toutefois, il appartient au Conseil constitutionnel la compétence d’apprécier la constitutionnalité des normes objectives et rationnelles adoptées par le législateur eu égard à son objectif ;
— Considérant que l’objectif du législateur dans sa formulation de la disposition de l’article 419 du code de procédure pénale n’est pas en contradiction avec les dispositions de la Constitution et n’est pas vicié par des erreurs d’appréciation manifestes ;
— Considérant que l’exercice du législateur de ses compétences qui lui sont dévolues par la Constitution conformément à l’article 140 tiret 7 quant à la fixation de différents délais d’appel des parties afin de régulariser les différentes situations, comme il en est le cas pour le Procureur général, en sa qualité de représentant de la société et garant de l’intérêt général, n’est pas contraire au principe de l’égalité invoqué par le requérant dans son exception ;
— Considérant que la distinction dans le traitement de différentes situations entre les parties, en liaison avec l’objet de la loi, en l’occurrence l’article 140 de la Constitution, s’appuie sur des normes objectives et rationnelles, par conséquent les éventuels effets des dispositions contestées, contenues dans l’article 419 du code de procédure pénale, ne constituent pas une atteinte au principe d’égalité et ne sont pas en contradiction avec tout droit ou liberté garanti par la Constitution ;
— Considérant, par conséquent, que dans sa formulation de l’article 419 du code de procédure pénale, le législateur n’a pas porté atteinte au principe d’égalité prévu aux articles 32 et 158 de la Constitution et que le droit du justiciable n’a pas été atteint tant que son droit de faire appel est garanti par la Constitution, et que, par conséquent, l’article 419 du code de procédure pénale est conforme à la Constitution ;
Décide ce qui suit :
Premièrement : Déclare l’article 419 du code de procédure pénale constitutionnel.
Deuxièmement : Le Président de la République, le président du Conseil de la Nation par intérim, le président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre, sont informés de la présente décision.
Troisièmement : La présente décision est notifiée au premier président de la Cour suprême.
Quatrièmement : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en -a-t-il été délibéré par le Conseil constitutionnel en ses séances des 5 et 6 Joumada El Oula 1442 correspondant aux 20 et 21 décembre 2020.
Le Président du Conseil constitutionnel
Kamel FENICHE.
Mohamed HABCHI, vice-président ;
Salima MOUSSERATI, membre ;
Chadia REHAB, membre ;
Brahim BOUTKHIL, membre ;
Mohammed Réda OUSAHLA, membre ;
Abdennour GRAOUI, membre ;
Khadidja ABBAD, membre ;
Lachemi BRAHMI, membre ;
M’Hamed ADDA DJELLOUL, membre ;
Amar BOURAOUI, membre.
Année 2019
Le Conseil constitutionnel,
En application de l’article 188 de la Constitution et sur saisine sur renvoi de la Cour suprême, une décision datée le 17 juillet 2019, sous le numéro de rôle 00003/19, a été transmise au Conseil constitutionnel le 23 juillet 2019 relative à l’exception soulevée par (M. H. A.), représenté par ses avocats maître (F. M.) et maître (T. M.), qui conteste la constitutionnalité de l’article 416, (alinéa 1er), dans son membre de phrase relatif à la personne physique, du code de procédure pénale, modifié et complété ;
Vu la Constitution,
Vu la loi organique n° 18-16 du 22 Dhou El Hidja 1439correspondant au 2 septembre 2018 fixant les conditions et modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité ;
Vu le règlement du 7 Ramadhan 1440 correspondant au 12 mai 2019, modifié et complété, fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;
Vu l’ordonnance n° 66-155 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale ;
Après avoir pris connaissance de la décision de renvoi d’une exception d’inconstitutionnalité par la Cour suprême en date du 17 juillet 2019, sous le numéro de rôle 00003/19 ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par M. le Président de l’Assemblée Populaire Nationale, M. le Président du Conseil de la Nation par intérim et M. le Premier ministre ;
Après avoir pris connaissance des pièces annexées au dossier ;
Le rapporteur entendu dans la lecture de son rapport en audience ;
Après avoir pris acte de l’absence des parties et du représentant du Gouvernement à l’audience publique tenue le 13 novembre 2019, bien que notification leur soit faite ;
Après délibération,
- Considérant que (M. H. A.), représenté par ses avocats maître (F. M.) et maître (T. M.), soulève l’inconstitutionnalité de l’article 416 du code de procédure pénale, en tant qu’accusé appelant contre le jugement rendu par le tribunal d’Amizour, le 12 février 2019, qui l’avait condamné et puni d’une peine d’amende ferme de 20.000 DA pour avoir frappé, blessé, injurié et insulté la plaignante (Y. ).
- Considérant que, dans ses mémoires en exception d’inconstitutionnalité, il dit interjeter appel le 19 février 2019, contre le jugement rendu à son encontre, pour défendre son droit de prouver son innocence des actes qui lui sont reprochés. Il dit, en outre, que l’article 416 du code de procédure pénale le prive du droit d’appel au regard du montant de l’amende encourue, n’excédant pas 20.000 DA, ce qui contredit les dispositions de l’article 160 de la Constitution qui prévoit que la loi garantit le double degré de juridiction en matière pénale.
Pour ce motif, (M. H. A.)a soulevé devant la Cour de Béjaïa, dans un mémoire distinct, l’inconstitutionnalité de l’article 416 du code de procédure pénale, susvisé ;
- Considérant que la Cour de Béjaïa a rendu le 12 juin 2019 son jugement, numéro du rôle 0001/2019, dans lequel elle s’est prononcée pour la transmission de l’exception d’inconstitutionnalité, accompagnée des mémoires et conclusions des parties, à la Cour suprême, que cette dernière, après examen de l’exception, a rendu sa décision du 17 juillet 2019 par laquelle elle a statué pour le renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité au Conseil constitutionnel ;
- Considérant qu’en date du 24 juillet 2019, le Président du Conseil constitutionnel a informé, par lettre, le Chef de l’Etat, le Président du Conseil de la Nation par intérim, le Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre, de la décision de renvoi de l’exception rendue par la Cour suprême, accompagnée des mémoires de l’exception. Le Président du Conseil constitutionnel a également informé pour la même fin, le 25 juillet 2019, par lettre recommandée avec accusé de réception, (M. H. A.) et Mme. (Y. A.), et les courriers envoyés ont fixé aux parties, des délais pour présenter leurs observations écrites ;
- Considérant que les observations écrites transmises au Conseil constitutionnel par le Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Président du Conseil de la Nation par intérim, ont comporté une reconnaissance de l’inconstitutionnalité de l’article 416 du code de procédure pénale et ont proposé la possibilité de modifier sa rédaction par le Conseil constitutionnel ;
- Considérant que le Premier ministre a justifié, dans ses observations écrites, les limites et les exceptions prescrites au droit d’appel prévu à l’article 416 du code de procédure pénale, par des motifs pratiques, en reconnaissant, cependant, que l’objectif escompté par l’encadrement du droit d’appel en matière pénale, se heurte aux dispositions de l’article 160 de la Constitution ;
- Considérant que les parties soulevant l’exception n’ont pas présenté leurs observations écrites bien que la possibilité de le faire leur ait été donnée ;
- Considérant que l’article 416 du code de procédure pénale, modifié et complété, pris par l’ordonnance n° 66-155du 8 juin 1966, a été modifié, une première fois, par l’ordonnance n°15-02 du 7 Chaoual 1436 correspondant au 23 juillet 2015, puis, une seconde fois, par la loi n° 17-07 du28 Joumada Ethania 1438 correspondant au 27 mars 2017.Cet article dispose, en sa rédaction actuelle, ce qui suit :« Sont susceptibles d’appel :1- les jugements rendus en matière de délits lorsqu’ils prononcent une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende excédent 20.000 DA pour la personne physique et100.000 DA pour la personne morale et les jugements derelaxe.2- les jugements rendus en matière de contravention lorsqu’une peine d’emprisonnement avec ou sans sursis a été prononcée.»
- Considérant que le constituant prévoit à l’article 160(alinéa 2) de la Constitution, le droit au double degré de juridiction en matière pénale en disposant ce qui suit : « La loi garantit le double degré de juridiction en matière pénale, et en précise les modalités d’application. » ;
- Considérant que si le législateur a compétence pour préciser ces modalités, il appartient, en revanche, au Conseil constitutionnel et à lui seul, d’apprécier leur constitutionnalité au regard des droits et libertés garantis par la Constitution et de s’assurer que ces modalités procédurales ne portent pas atteinte au droit au double degré de juridiction ;
- Considérant qu’en disposant que la loi garantit le double degré de juridiction, le constituant entend obliger le législateur à garantir l’exercice de ce droit en lui précisant les modalités de son application sans que ces modalités le vident de sa substance, le limitent ou excluent quiconque au moment de son exercice ;
- Considérant qu’en prévoyant à l’article 416 (alinéa 1er) du code de procédure pénale, la possibilité d’appel contre les jugements rendus en matière de délits lorsqu’ils prononcent une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende excédent 20.000 DA pour la personne physique, le législateur aura, a contrario, exclu du droit au double degré de juridiction, consacré à l’article 160 (alinéa 2) de la Constitution, toutes les personnes physiques condamnées à une peine d’amende égale ou inférieure à 000 DA ;
- Considérant que l’exercice du droit d’appel en matière pénale implique qu’aucune entrave, par le droit ou par la procédure, ne doit empêcher quiconque de recourir à une juridiction supérieure ;
- Considérant en conséquence, l’alinéa 1er – dans son membre de phrase relatif à la personne physique – de l’article 416 du code de procédure pénale est contraire à la Constitution, notamment en son article 160 (alinéa 2) ;
- Considérant qu’en application de l’article 29 (alinéa 2) du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, modifié et complété, et dans le cadre de son examen de l’exception d’inconstitutionnalité d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel peut évoquer d’autres dispositions si celles-ci ont un lien avec la disposition législative, objet de l’exception d’inconstitutionnalité ;
- Considérant que l’article 416 du code de procédure pénale, dans son deuxième membre de phrase du 1eralinéa, prévoit dans sa teneur, et a contrario, que l’appel contre les jugements rendus en matière de délits n’est pas permis lorsqu’ils prononcent une peine d’amende égale ou inférieure à 100.000 DA pour la personne morale. En outre, ledit article prévoit, en son alinéa 2, a contrario, qu’il n’est pas permis d’interjeter appel contre les jugements rendus en matière de contravention lorsqu’une peine d’amende a été prononcée;
- Considérant que le lien est manifeste entre la disposition législative, objet de l’exception, et l’ensemble des autres dispositions législatives prévues à l’article 416 du code de procédure pénale, tel qu’il ressort de l’acte du législateur d’imposer des limites et des exceptions au droit au double degré de juridiction prévu à l’article 160(alinéa 2) de la Constitution ;
- Considérant que l’article 416 du code de procédure pénale est partiellement conforme à la Constitution en ce qu’il prévoit que les jugements rendus en matière de délits et ceux rendus en matière de contravention, sont susceptibles d’appel ;
- Considérant que toutes les limites imposées à l’exercice du droit d’appel contenues à l’article 416 du code de procédure pénale, portent atteinte au droit au double degré de juridiction, ce qui est contraire à l’article 160 (alinéa 2) de la Constitution ;
- Considérant que, contrairement aux demandes formulées dans les observations du Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Président du Conseil de la Nation par intérim, et en vertu du principe de la répartition des compétences entre les pouvoirs et les institutions, tel que puisé de la Constitution, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de se substituer au législateur dans son acte de légiférer, ou de lui dicter la manière de corriger l’inconstitutionnalité déclarée. Le traitement législatif de la disposition déclarée inconstitutionnelle demeure de la compétence exclusive du pouvoir législatif, conformément à l’article 112 de la Constitution ;
- Considérant qu’aux termes de l’article 191 (alinéa 2) de la Constitution, le Conseil constitutionnel peut fixer la date à partir de laquelle cesse l’effet de la disposition et qu’il lui appartient de prévoir que l’effet de celle-ci cesse immédiatement ou soit différé à une date ultérieure ;
- Considérant que la déclaration que certaines dispositions législatives en contradiction avec la Constitution, prévues à l’article 416 du code de procédure pénale, cessent immédiatement de produire leurs effets, est de nature à garantir le droit des parties au double degré de juridiction en matière pénale, sans aucune exception ;
- Considérant qu’aux termes de l’article 191 (alinéa 3) de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent au pouvoir judiciaire ; que l’égalité devant la loi et la justice garantie par la Constitution à tous les citoyens implique de permettre à toutes les parties d’interjeter appel contre les jugements rendus en matière pénale, en application des dispositions de l’article 416 du code de procédure pénale, sans limites et sans exceptions, objet de la présente décision ;
En conséquence, le Conseil constitutionnel décide ce qui suit :
Premièrement : déclare l’article 416 du code de procédure pénale partiellement conforme à la Constitution.
Deuxièmement : l’inconstitutionnalité de la disposition législative prévue à l’alinéa 1er de l’article 416 du code susvisé, dans son membre de phrase, ainsi rédigé : « Lorsqu’ils prononcent une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende excédent 20.000 DA pour la personne physique. »
Troisièmement :
- l’inconstitutionnalité de la disposition législative prévue à l’alinéa 1er de l’article 416 du code susvisé, dans son membre de phrase, ainsi rédigé : « et 100.000 DA pour la personne »
- l’inconstitutionnalité de la disposition législative prévue à l’alinéa 2 de l’article 416 du code susvisé, dans son membre de phrase, ainsi rédigé : « Lorsqu’une peine d’emprisonnement avec ou sans sursis a été prononcée. »
Quatrièmement : Les dispositions législatives déclarées inconstitutionnelles susvisées, cessent leurs effets immédiatement.
Cinquièmement : L’effet de la décision d’inconstitutionnalité déclarée ci-dessus, s’applique à tous les jugements en matière pénale dont les délais d’appel n’ont pas été épuisés au moment de l’application des dispositions de l’article 416 du code susvisé.
Sixièmement : Le Chef de l’Etat, le Président du Conseil de la Nation par intérim, le Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre, sont informés de la présente décision.
Septièmement : La présente décision est notifiée au premier Président de la Cour suprême.
Huitièmement : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en a-t-il été délibéré par le Conseil constitutionnel en ses séances des 21 et 22 Rabie El Aouel 1441 correspondant aux 18 et 19 novembre 2019.
Le Président du Conseil constitutionnel
Kamel FENICHE.
Mohamed HABCHI, vice-Président ; Salima MOUSSERATI, membre ; Chadia REHAB, membre ;
Brahim BOUTKHIL, membre ; Mohammed Réda OUSAHLA, membre ; Abdennour GRAOUI, membre ; Khadidja ABBAD, membre ;
Smail BALIT, membre ; Lachemi BRAHMI, membre ;
M’Hamed ADDA DJELLOUL, membre ; Amar BOURAOUI, membre.
Le Conseil constitutionnel,
En application de l’article 188 de la Constitution et sur saisine sur renvoi de la Cour suprême, une décision, datée le 16 septembre 2019, sous le numéro de rôle 00004/19, a été transmise au Conseil constitutionnel le 23 septembre 2019 relative à l’exception soulevée par (M. B. N.), représenté par son avocat maître (A. S.), qui conteste la constitutionnalité de l’article 416, (alinéa 1er), dans son premier membre de phrase relatif à la personne physique, du code de procédure pénale, modifié et complété ;
Vu la Constitution,
Vu la loi organique n° 18-16 du 22 Dhou El Hidja1439 correspondant au 2 septembre 2018 fixant les conditions et modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité ;
Vu le règlement du 7 Ramadhan 1440 correspondant au12 mai 2019, modifié et complété, fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;Vu l’ordonnance n° 66-155 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale ;
Après avoir pris connaissance de la décision de renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité par la Cour suprême en date du 16 septembre 2019, sous le numéro de rôle00004/19 ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel du 20 novembre2019 sous le n° 01/D.CC/EI/19 ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par M. le Président du Conseil de la Nation par intérim et M. le Président de l’Assemblée Populaire Nationale ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par maître (A. S.) et M. le procureur général près la Cour de Khenchela ;
Après avoir pris connaissance des pièces annexées au dossier ;
Le rapporteur entendu dans la lecture de son rapport en audience ;
Après avoir entendu les observations orales de maître (A. S.), en audience publique du 13 novembre 2019 ;
Après avoir entendu les observations orales du représentant du Gouvernement, (M. A. D.), formulées à la même audience ;
Après délibération,
- Considérant que (M. B. N.), représenté par son avocat maître (A. S.), soulève l’inconstitutionnalité de l’article 416 du code de procédure pénale, en tant qu’accusé appelant contre le jugement rendu par le tribunal de Khenchela, le 20 janvier 2019, qui l’avait condamné pour conduite d’un véhicule sans permis de conduire, et puni d’une peine d’amende ferme de 20.000 DA, acte prévu et réprimé par l’article 80 de l’ordonnance n° 03-
- L’appel a été enregistré le 20 janvier 2019 ;
- Considérant que (M. B. N.), soulève que l’article 416 du code de procédure pénale interdit d’interjeter appel contre les jugements rendus lorsqu’ils prononcent une peine d’amende égale ou inférieure à 20.000 DA ; que cet article le prive, par conséquent, de son droit au double degré de juridiction et qu’il est expressément en contradiction avec les dispositions de l’article 160 de la Constitution. Il a par conséquent, présenté l’exception pour déclarer cet article inconstitutionnel ;
- Considérant que les observations écrites transmises au Conseil constitutionnel par le Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Président du Conseil de la Nation par intérim, ont comporté une reconnaissance de l’inconstitutionnalité de l’article 416 du code de procédure pénale et proposé la possibilité de modifier sa rédaction parle Conseil constitutionnel ;
- Considérant que M. le procureur général près la Cour de Khenchela a demandé de rejeter l’exception car infondée et de dire que les dispositions de l’article 416 du code de procédure pénale sont conformes aux dispositions de la Constitution ;
- Considérant que maître (A. S.), représentant (M. B. N.), a confirmé à l’audience publique, sa demande visant à déclarer l’inconstitutionnalité de la disposition législative, objet de l’exception ;
- Considérant que le représentant du Gouvernement (M. A.D.), a affirmé à l’audience publique, que l’article 160de la Constitution prévoit que la loi garantit le double degré de juridiction et renvoie à celle-ci la précision des modalités d’exercice de ce droit, et que la législation a tenu compte de l’intérêt particulier et de l’intérêt général. Qu’en outre, la disposition législative, objet de l’exception, n’a pas d’incidence sur les droits et libertés, dès lors qu’il s’agit d’une peine d’amende qui ne porte pas atteinte aux libertés et ne constitue pas un précédent judiciaire qui est inscrit au casier judiciaire. Le double degré de juridiction ne figure pas parmi les droits et libertés prévus au Chapitre IV du Titre I de la Constitution. Il demande le rejet de l’exception ;
- Considérant que l’article 29 bis du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, modifié et complété, dispose ce qui suit : « Lorsque le Conseil constitutionnel enregistre, avant de se prononcer sur l’exception d’inconstitutionnalité de la disposition législative, plus d’une décision de renvoi portant sur la même disposition législative, il se prononce au fond sur la première exception qui lui est soumise pour examen. Il se prononce sur les exceptions suivantes soulevées au sujet de la même disposition législative, par des décisions portant exceptions précédemment jugées » ;
- Considérant que l’exception soulevée par (M. B. N.) relative à l’inconstitutionnalité de l’article 416 du code de procédure pénale, modifié et complété, a été tranchée par décision du Conseil constitutionnel rendue le 20 novembre 2019 sous le numéro 01/D.CC/EI/19, dans laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la disposition législative, objet de l’exception ;
- Considérant qu’en vertu de l’article 191 (alinéa 3) de la Constitution, la décision du Conseil constitutionnel est définitive et s’impose à l’ensemble des pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles, qu’il s’applique à l’exception actuelle, qu’il est, dès lors, nullement besoin de l’examiner au fond et qu’il y a lieu, par conséquent, de déclarer cette exception comme étant précédemment jugée. En conséquence, le Conseil constitutionnel décide ce qui suit :
Premièrement : déclare que l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 416 du code de procédure pénale a été précédemment prononcée en vertu de la décision du Conseil constitutionnel du 20 novembre 2019, numéro 01/D.CC/EI/19.
Deuxièmement : Le Chef de l’Etat, le Président du Conseil de la Nation par intérim, le Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre, sont informés de la présente décision.
Troisièmement : La présente décision est notifiée au premier Président de la Cour suprême.
Quatrièmement : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en a-t-il été délibéré par le Conseil constitutionnel en ses séances des 21 et 22 Rabie El Aouel 1441 correspondant aux 18 et 19 novembre 2019.
Le Président du Conseil constitutionnel Kamel FENNICHE.
Mohamed HABCHI, vice-Président ;
Salima MOUSSERATI, membre ;
Chadia REHAB, membre ;
Brahim BOUTKHIL, membre ;
Mohammed Réda OUSAHLA, membre ;
Abdennour GRAOUI, membre ;
Khadidja ABBAD, membre ;
Smail BALIT, membre ;
Lachemi BRAHMI, membre ;
M’Hamed ADDA DJELLOUL, membre ;
Amar BOURAOUI, membre.