Décisions : Constitutionnalité et Conformité 1989

Le Conseil Constitutionnel,

Saisi par le Président de la République, conformément aux articles 67, alinéa 2.153.155 et 156 de la Constitution, par lettre n°259-SGG datée du 8 août 1989, enregistrée au Conseil Constitutionnel le 13 août 1989, sous le n°1-S-CC-89, sur la constitutionnalité des dispositions de la loi n° 89-13 du 7 août 1989, publiée au Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire, n°32 du 7 août 1989, et notamment de ses articles n° 61, 62, 82, 84, 85, 86, 91, 108, 110 et 111 ;

—Vu la Constitution en ses articles 153, 154, 155, 156, 157 et 159 ;

—Vu le règlement du 7 août 1989 fixant les procédures de fonctionnement du Conseil Constitutionnel, paru au Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire, n°32 du 7 août 1989.

—Le rapporteur entendu.

1.- Sur les articles 61, 62 et 84 pris ensemble à raison de la similitude de l’objet qu’ils traitent puisque, les articles 61 et 84, traitant des modes de scrutin pour l’élection des assemblées populaires et l’article 62 précisant la façon dont s’opère la répartition des sièges suivant un scrutin de liste proportionnelle avec prime à la majorité à un tour.

—Considérant qu’aucune disposition de la Constitution ne fixe de règle particulière relative au mode de scrutin, que dès lors le choix du mode de scrutin relève, conformément à l’article 115, paragraphe 10 de la Constitution, de la compétence exclusive du législateur ;

—Considérant que l’intention du constituant vise à permettre la représentation la plus large de la volonté populaire, sachant que tout mode de scrutin, dans ses détails, peut susciter des réserves de principe ;

—Considérant que les modes de scrutin retenus ne comportent pas d’éléments discriminatoires incompatibles avec les principes constitutionnels relatifs aux droits politiques des citoyens ;

—Que le scrutin de liste proportionnelle avec prime à la majorité à un tour, n’est qu’une modalité de répartition des sièges à pourvoir au sein des assemblées populaires et n’altère pas le choix électoral du citoyen ;

—Que la prime accordée à la liste obtenant la majorité simple est exclusive de toute participation à la répartition des sièges restant à pourvoir ;

—Que cette prime n’est pas discriminatoire et qu’elle procède du choix souverain du législateur soucieux de concilier les nécessités d’une représentation populaire équitable et les exigences d’une gestion efficace des affaires publiques .

En conséquence, le Conseil Constitutionnel déclare que les articles 61, 62 et 84 de la loi n° 89-13 du 7 août 1989 portant loi électorale ne heurtent aucune disposition de la Constitution ;

II – Sur les articles 82 et 85 pris ensemble en ce qu’ils traitent respectivement des inéligibilités aux assemblées populaires communales et à l’assemblée populaire nationale.

Considérant que le législateur, en disposant que les personnes exerçant les fonctions visées aux articles 82 et 85 de la loi électorale sont inéligibles aux assemblées populaires communales et nationale, entendait leur interdire de postuler un mandat électif durant l’exercice de leurs fonctions et pendant un an après la cessation de leur fonction, de poser leur candidature à un mandat électif dans le dernier ressort où elles ont exercé.

Dit que toute autre lecture qui consisterait à étendre cette dernière exigence à tous les ressorts où elles ont pu exercer auparavant, serait de nature discriminatoire et sans fondement et que sous cette réserve, les dispositions des articles 82 et 85 ne portent atteinte à aucune disposition constitutionnelle.

Que, toutefois, le Conseil constitutionnel relève l’absence, dans le dispositif de la loi qui lui a été soumise, de toute condition d’inéligibilité à l’assemblée populaire de wilaya, que cela ne peut résulter que d’une omission car dans le cas contraire elle pourrait s’analyser comme une discrimination par rapport aux candidats aux autres assemblées populaires.

III – Sur l’article 86 relatif aux conditions d’éligibilité à l’Assemblée Populaire Nationale, le Conseil Constitutionnel considère que si la condition d’âge requise ne soulève aucune remarque particulière, il en va tout autrement de l’exigence pour les candidats et leurs conjoints d’être de nationalité algérienne d’origine.

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 47 de la Constitution, il est reconnu, à tous les citoyens remplissant les conditions légales, d’être électeur et éligible, que les dispositions légales prises en la matière peuvent imposer des conditions à l’exercice de ce droit mais ne peuvent le supprimer totalement pour une catégorie de citoyens algériens en raison de leur origine ;

—Qu’en d’autres termes, l’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions nécessaires, dans une société démocratique, pour protéger les libertés et les droits énoncés dans la Constitution et en garantir le plein effet ;

—Considérant que l’ordonnance n° 70-86 du 15 décembre 1970 portant code de la nationalité a défini les conditions d’acquisition, de déchéance, et en précisant, notamment, les effets de l’acquisition de la nationalité algérienne, a consacré des droits et particulièrement celui d’être investi d’un mandat électif cinq ans après avoir obtenu la nationalité algérienne, ce délai pouvant être, du reste, supprimé par le décret de naturalisation ;

—Considérant que cette disposition légale ne peut souffrir une application sélective ni partielle ;

—Que par ailleurs, la nationalité algérienne d’origine n’est pas exigée pour les candidats à un mandat électif au sein des assemblées populaires communales et de wilaya ;

Considérant que l’article 28 de la Constitution, consacre le principe d’égalité des citoyens devant la loi sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale ;

—Considérant qu’après sa ratification et dès sa publication, toute convention s’intègre dans le droit national et en application de l’article 123 de la constitution, acquiert une autorité supérieure à celle des lois, autorisant tout citoyen algérien de s’en prévaloir devant les juridictions, que tel est le cas notamment des pactes des Nations Unies de 1966 approuvés par la loi 89-08 du 25 avril 1989 et auxquels l’Algérie a adhéré par décret présidentiel n°89-67 du 16 mai 1989, ainsi que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ratifiée par décret n°87-37 du 3 février 1987, ces instruments juridiques interdisant solennellement les discriminations de tous ordres ;

—Considérant qu’il appartient aux électeurs d’apprécier l’aptitude de chaque candidat à assumer une charge publique ;

—En conséquence, le Conseil Constitutionnel déclare non conforme à la constitution, l’exigence de la nationalité d’origine pour le candidat aux élections législatives ;

Dit également que l’alinéa 3 de l’article 86, qui dispose que le conjoint doit être de nationalité algérienne d’origine ainsi que le dernier alinéa de ce même article non conformes à la Constitution en ce qu’ils imposent une condition à la fois extrinsèque au candidat et de nature discriminatoire.

IV – Concernant l’article 108 de la loi électorale imposant que la déclaration de candidature à la Présidence de la République soit accompagnée d’un certificat de la nationalité d’origine du conjoint;

—Considérant les dispositions de l’article 67 de la Constitution qui stipulent que le Président de la République, Chef de l’Etat, incarne l’unité de la Nation et qu’il est garant de la Constitution ;

—Considérant que le constituant, eu égard à la nature et à l’importance des attributions dévolues au Président de la République, a décidé que les conditions de son éligibilité soient fixées par une forme supérieure à celle qui définit les conditions auxquelles doivent satisfaire les candidats à tout autre mandat électif, qu’à ce propos, l’article 70 de la Constitution a arrêté d’une manière limitative les conditions d’éligibilité à la Présidence de la République ;

Considérant que l’unique renvoi à la loi figure expressement à l’article 68 et concerne exclusivement les modalités de l’élection présidentielle ;

—Considérant que l’exigence de la production par le candidat d’un certificat de nationalité d’origine du conjoint ne saurait être assimilée à une modalité de l’élection présidentielle et constitue, en fait, une condition supplémentaire d’éligibilité ;

—Qu’en outre, elle introduit une discrimination contraire aux dispositions constitutionnelles et aux pactes ci-dessus visés ;

En conséquence, le Conseil Constitutionnel, déclare le troisième alinéa de l’article 108 non conforme à la Constitution.

V – Sur l’article 110 qui dispose que la candidature à la Présidence de la République doit être expressément agréée et présentée par une ou plusieurs associations politiques et qu’en outre, elle doit être appuyée par six cents (600) signatures d’élus des assemblées populaires ;

—Considérant que l’obligation pour le candidat à la Présidence de la République de produire un agrément, tel que défini à l’article 110, élimine pratiquement les candidats hors associations à caractère politique ;

—Considérant qu’il s’agit en l’occurrence d’un obstacle à l’exercice d’un droit consacré par l’article 47 de la Constitution ;

—Considérant que l’obligation pour le candidat à la Présidence de la République d’appuyer sa candidature par six cents (600) signatures d’élus constitue une caution importante et en elle-même suffisante, qu’en conséquence le membre de phrase de l’alinéa premier de l’article 110 de la loi électorale ainsi libellé : “la candidature doit être expressément agréée et présentée par une ou plusieurs associations à caractère politique” est déclaré non conforme à la Constitution ;

VI – Sur les articles 111 et 91 pris ensemble du fait que le premier dispense le Président de la République en exercice des conditions requises à l’article 110 et que le second en son alinéa 3, ne soumet pas le député sortant, dans le cas où il ne se représente pas sous l’égide d’une association à caractère politique, à l’obligation d’appuyer sa candidature par la signature de 10 % des élus de sa circonscription ou de cinq cents (500) signatures d’électeurs de cette même circonscription ;

—Considérant que le principe fondamental de la souveraineté populaire et le fonctionnement normal du système démocratique commandent que les détenteurs d’un mandat électoral le remettent impérativement à l’échéance à l’électorat à qui il appartient d’apprécier la façon dont il a été exécuté;

—Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 47 qui reconnaissent à tous les citoyens le droit d’être éligible et de l’article 28 de la Constitution qui consacrent l’égalité de tous devant la loi, les candidats à toute élection doivent également remplir les mêmes obligations et jouir des mêmes droits ;

—Considérant qu’une telle dispense est susceptible d’être appréciée comme constituant une rupture au principe d’égalité de traitement des candidats ;

En conséquence, le Conseil Constitutionnel déclare l’article 111 et le 3ème alinéa de l’article 91 de la loi électorale non conformes à la Constitution.

Cependant, le Conseil Constitutionnel considère que l’article 91, en ses alinéas 1 et 2, pose des conditions de présentation des candidats à l’élection législative et que l’alternative offerte aux candidats n’est pas de nature à créer des situations contraires à l’esprit et à la lettre de la Constitution et que par conséquent, les alinéas 1 et 2 de l’article 91 sont conformes à la Constitution.

VII – Considérant qu’il n’y a pas lieu pour le Conseil Constitutionnel de soulever de question de conformité à la Constitution pour les autres dispositions de la loi soumise à son examen par le Président de la République ;

DECIDE

1 – Sont déclarés non conformes à la Constitution:

a) l’exigence de la nationalité d’origine du candidat et de son conjoint contenue dans l’article 86 de la loi électorale ; l’article 86 sera libellé ainsi :

” Art. 86. —Le candidat à l’assemblée populaire nationale doit être :

—âgé de 30 ans au moins, le jour des élections,

— de nationalité algérienne ”.

b) l’alinéa 3 de l’article 91 de la loi électorale ; l’article 91 sera libellé ainsi :

”Art. 91. — Sous réserve des conditions requises par la loi, la liste visée à l’article 89 de la présente loi doit être expressément agréé par une ou plusieurs associations à caractère politique.

Lorsque le candidat ne se présente pas sous l’égide d’une association à caractère politique, il doit appuyer sa candidature d’au moins 10 % des élus de sa circonscription, ou de 500 signatures des électeurs de sa circonscription électorale”.

c) l’alinéa 3 de l’article 108 de la loi électorale ; l’article 108 sera libellé ainsi :

”Art. 108. — La déclaration de candidature à la Présidence de la République résulte du dépôt d’une demande auprès du Conseil Constitutionnel.

— Elle comporte la signature et les noms et prénoms, date et lieu de naissance, profession et domicile du candidat.

— Un récépissé de dépôt est délivré au candidat”.

d) l’exigence pour la candidature à la Présidence de la République, d’être expressément agréée et présentée par une ou plusieurs associations à caractère politique, contenue dans l’article 110 alinéa premier de la loi électorale ; l’article 110 sera libellé ainsi :

”Art. 110. — Outre les conditions fixées par l’article 70 de la Constitution et les dispositions de la présente loi, le candidat doit présenter une liste comportant au moins six cents (600) signatures de membres élus d’assemblée populaire communale, de la wilaya et nationale et répartis au moins à travers la moitié des wilayas du territoire national”.

e) L’article 111 de la loi électorale.

2 – Sous le bénéfice des réserves ci-dessus exprimées, sont déclarés conformes à la Constitution les articles 62, 82 et 85 de la loi électorale.

3 – Sont déclarés conformes à la constitution les articles 61 et 84 ainsi que les autres dispositions de la loi électorale soumises à son examen.

4 – La présente décision sera publiée au Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire.

Ainsi en a-t-il été délibéré par le Conseil Constitutionnel dans sa séance du vingt août mille neuf cent quatre vingt neuf.

Le Président du Conseil Constitutionnel

A. BENHABYLES

Le Conseil Constitutionnel,

Saisi par le Président de la République, conformément aux articles 67 alinéa 2, 153, 155 et 156 de la Constitution, par lettre n°260-SGG datée du 10 août 1989, enregistrée au Conseil Constitutionnel le 15 août 1989 sous le numéro 03/S/CC/89, sur la constitutionnalité de la loi n°14 du 8 août 1989 portant statut du député, publié au Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire ;

—Vu la Constitution en ses articles 153, 154, 155, 156, 157 et 159 ;

—Vu le règlement du 7 août 1989 fixant les procédures de fonctionnement du Conseil Constitutionnel, publié au Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire n° 32 du 7 août 1989 ;

—Le rapporteur entendu ;

Sur l’article 8, en ce qu’il traite de la comptabilité des fonctions de professeurs de l’enseignement supérieur et des médecins du secteur public avec le mandat de député :

—Considérant qu’il appartient à la loi, aux termes de l’article 97 in fine de la Constitution, de fixer le régime des incompatibilités avec l’exercice du mandat de député, dont la règle vise à préserver le député de tout cumul de statuts, préjudiciable à la mise en œuvre de son mandat électoral.

—Considérant qu’il n’appartient pas au Conseil Constitutionnel de substituer son appréciation à celle de l’Assemblée Populaire Nationale en ce qui concerne l’opportunité de déclarer incompatible telle ou telle fonction avec le mandat de député, mais qu’il lui appartient en propre de se prononcer sur la conformité à la Constitution de toute disposition normative déférée à son contrôle ;

Considérant que la loi, expression de la volonté générale, ne peut créer des situations inéquitables entre les citoyens ; que la levée de l’incompatibilité au profit de certains titulaires de fonctions publiques, posée par l’article 8, créé une situation discriminatoire au regard de titulaires de fonctions identiques exercées dans des cadres juridiques différents ;

qu’au surplus l’article 24 du même texte, soumis à l’examen du Conseil Constitutionnel, écarte toute possibilité de cumul de fonction avec le mandat de député en disposant que ; ”le député dont le mandat est validé, est placé de droit en position de détachement et se consacre entièrement et en permanence à son mandat”;

Dit, en conséquence, l’article 8 non conforme aux dispositions de l’article 28 de la Constitution ;

Sur l’article 13, en ce qu’il traite des missions temporaires dont peuvent être chargés des députés ;

—Considérant que l’organisation des pouvoirs, issue de la Constitution, telle qu’elle a été adoptée par le peuple le 23 février 1989, définit les prérogatives de chaque organe de manière précise ;

—Considérant que la notion de ”hautes instances politiques” est étrangère au vocabulaire constitutionnel en vigueur et qu’il appartient aux organes constitutionnels de rester vigilants quant aux procédures de collaboration entre eux ;

Dit , en conséquence, l’article 13 non conforme à la Constitution en ce qu’il peut produire des situations préjudiciables à la nécessaire autonomie de chaque organe constitutionnel ;

Sur les articles 17 et 33, pris ensembles , en ce qu’ils traitent tous deux du rôle du député dans sa circonscription électorale ;

—Considérant que l’article 17 de la loi portant statut du député, habilite ce dernier à suivre, au niveau de sa circonscription électorale, l’évolution de la vie politique, économique, sociale et culturelle et notamment les questions relatives à l’application de lois et règlements, à celles relatives à l’exercice du contrôle populaire et à celles relatives à l’activité des différents services publics ;

—Considérant que l’article 33 pris dans le même sens, dispose que : ”à l’épuisement de l’ordre du jour de l’Assemblée, le député se consacre à sa circonscription électorale. Dans ce cadre, il doit veiller à l’application des lois et règlements” ;

Il exerce, en outre, le contrôle populaire conformément à la législation en vigueur” ;

—Considérant que le principe de séparation des pouvoirs commande que chaque pouvoir exerce ses prérogatives dans le domaine que lui attribue la Constitution ;

—Considérant que chaque pouvoir doit demeurer dans les limites de ses attributions pour garantir l’équilibre institutionnel mis en place ; qu’en habilitant le député à suivre, à titre individuel, les questions relatives à l’application des lois et règlement, et à l’exercice du contrôle populaire et aux questions relatives à l’activité des différents services publics, la loi portant statut du député investit, ce dernier, de missions outrepassant le cadre de ses prérogatives constitutionnelles ;

Dit, en conséquence, l’article 17 et 33 conforme partiellement à la Constitution, le premier dans son seul alinéa premier, expurgé du membre de phrase : ”notamment les questions relatives à”, et le second également dans son seul alinéa premier expurgé de la phrase : ”dans ce cadre, il doit veiller à l’application des lois et règlements” ;

Sur l’article 20, en ce qu’il traite de la participation du député aux travaux de l’assemblée populaire de wilaya et des assemblées populaires communales ;

—Considérant que le mandat de député est national par application de l’article 99 de la Constitution et qu’il s’exerce dans le cadre et les limites de la compétence du pouvoir législatif ;

—Considérant que la mission de contrôle populaire, dévolue à l’Assemblée Populaire Nationale dans les termes de l’article 149 de la Constitution, s’exerce, notamment, dans les conditions définies à l’article 151 de la Constitution ;

—Considérant qu’en disposant que le député prend part aux réunions de l’assemblée populaire de wilaya et des assemblées populaires communales relevant de sa circonscription électorale, la loi l’investit de prérogatives qui outrepassent l’objet de son mandat national ;

Dit, en conséquence, l’article 20 non conforme à la Constitution ;

Sur les dispositions de l’article 21 en ce qu’il traite de l’audition, par le député, de l’organe exécutif de la wilaya ;

—Considérant que l’article 21 du texte, soumis à l’examen du Conseil Constitutionnel, habilite le député à demander l’audition de l’organe exécutif de la wilaya de son élection sur toute question relative au fonctionnement des services publics, relevant de sa circonscription électorale ;

—Considérant que ceci constitue une injonction au pouvoir exécutif n’entrant nullement dans les prérogatives constitutionnelles du député ; qu’en disposant ainsi, l’article 21 méconnait le principe de la séparation des pouvoirs ;

Dit, en conséquence, l’article 21 non conforme à la Constitution ;

Sur l’article 42, en ce qu’il définit au député un rang protocolaire;

—Considérant que s’il appartient au député de demeurer à l’écoute permanente du peuple, aux termes de l’article 94 de la Constitution, rien ne l’oblige, expressément, à assister à toutes les cérémonies et manifestations officielles se déroulant au niveau de sa circonscription électorale et de sa wilaya.

—Considérant qu’en stipulant, dans ce cadre : ”il bénéficie du premier rang dans hiérarchie protocolaire” et qu’à l’échelle nationale, il a droit à un rang protocolaire conforme à son mandat”, l’article 42 fait, en outre, état d’une notion qui n’est définie par aucun texte juridique et que la Constitution n’inscrit pas dans le domaine de la loi ;

Dit en conséquence, l’article 42 non conforme à la Constitution ;

Sur les dispositions de l’article 43, en ce qu’il traite des voyages des députés sous couvert d’un passeport diplomatique ;

—Considérant que le passeport diplomatique est délivré, selon des usages internationaux, à toute autorité de l’Etat engagée dans une mission permanente ou temporaire de représentation ou dans une activité internationale intéressant l’Etat, et qu’à ce titre, il est délivré à la seule discrétion du pouvoir exécutif, conformément aux articles 67, 74 et 116 de la Constitution ;

—Considérant qu’il n’appartient donc pas à la loi dont le domaine est, notamment, déterminé par l’article 115 de la Constitution, de disposer des modalités de délivrance, de mise en circulation et d’utilisation des documents de voyage qui relèvent de la compétence exclusive du pouvoir réglementaire, telle que définie à l’article 116 de la Constitution ;

Dit qu’en disposant comme elle l’a fait, la loi outrepasse, en son article 43, son objet ;

DECIDE

1— Sont déclarés inconstitutionnels les articles 8, 13, 21, 42, et 43 de la loi n°89-14 du 8 août 1989 portant statut du député ;

2— Sont déclarés partiellement conformes à la Constitution les articles 17 et 33 sous les réserves formulées ci-dessus, seront libellés comme suit :

”Art. 17.— Le député suit, au niveau de sa circonscription électorale, l’évolution de la vie politique, économique, sociale et culturelle”.

”Art. 33.— A l’épuisement de l’ordre du jour de l’Assemblée, le député se consacre à sa circonscription électorale”.

3— Sont déclarés constitutionnels les autres articles de la loi n°89-14 du 8 août 1989 portant statut du député, non visés aux alinéas précédents.

4— La présente décision sera publiée au Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire.

Ainsi en a-t-il été délibéré par le Conseil Constitutionnel dans sa séance du trente août mille neuf cent quatre vingt neuf.

Le Président du Conseil Constitutionnel

Abdelmalek BENHABYLES

Le Conseil Constitutionnel

Saisi par le Président de l’Assemblée Populaire Nationale conformément à l’article 156 de la Constitution, par lettre n° 169/89 CAB datée du 6 décembre 1989, enregistrée au secrétariat général du Conseil Constitutionnel le 6 décembre 1989 sous le N° 6. S. CC. 1989 sur la conformité à la Constitution du règlement intérieur de l’Assemblée populaire nationale adopté le 29 octobre 1989.

—Vu la Constitution en ses articles 109, (alinéa 2) et 155, (alinéa 2) ;

—Vu le règlement du 7 août 1989 fixant les procédures de fonctionnement du Conseil Constitutionnel, publié au journal officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire n° 32 du 7 août 1989;

—Vu l’avis n° 1 A.L. CC. 89 du 28 août 1989 rendu par le Conseil Constitutionnel sur la Constitutionnalité du texte voté par l’Assemblée Populaire Nationale le 22 juillet 1989, intitulé ”Loi portant règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale”, par lequel le Conseil Constitutionnel a jugé notamment, en application de l’article 155, alinéa 2, de la Constitution que le contrôle de conformité à la Constitution du règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale était obligatoire et préalable à sa mise en application :

—Vu la résolution portant règlement intérieur adoptée le 29 octobre 1989 par l’Assemblée Populaire Nationale ;

Sur les dispositions de l’article 49 de la résolution du 29 octobre 1989;

—Considérant que si l’article 94 de la Constitution dispose que, dans le cadre de ses attributions constitutionnelles, l’Assemblée Populaire Nationale doit rester fidèle au mandat du Peuple et demeurer à l’écoute permanente de ses aspirations, l’article 49 du règlement intérieur ne saurait en aucune de ses dispositions donner aux commissions permanentes de l’Assemblée Populaire Nationale ou à leurs membres un pouvoir d’inspection susceptible de constituer une atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et à la nécessaire autonomie de l’organe exécutif ;

—Que dans ces conditions, l’article 94 de la Constitution ne saurait fonder qu’un droit pour les commissions permanentes à des visites d’information, pour les aider à mieux apprécier les questions qui leur sont soulevées lors de l’examen des lois ;

—Considérant cependant que le dernier membre de phrase de l’alinéa 2 de l’article 49 libellée : ”ou avec des questions importantes ayant trait aux secteurs relevant de leurs attributions respectives” peut induire l’institutionnalisation d’interventions, en violation des dispositions de l’article 151 de la Constitution qui habilite l’Assemblée Populaire Nationale à ”instituer à tout moment une commission d’enquête sur toute affaire d’intérêt général” ;

Après en avoir délibéré,

décide :

1°) – Le dernier membre de phrase de l’alinéa 2 de l’article 49 libellé ”ou avec des questions importantes ayant trait aux secteurs relevant de leurs attributions respectives” est déclaré non conforme à la Constitution.

2°) – Les autres dispositions de la résolution du 29 octobre 1989 portant règlement intérieur de l’Assemblée Populaire Nationale sont déclarées conformes à la Constitution ;

Dans sa séance du 18 décembre mille neuf cent quatre vingt neuf.

Le Président du Conseil Constitutionnel

Abdelmalek BENHABYLES