Décision n° 02/ D. CC/ CCC/22 du 9 Chaoual 1443 correspondant au 10 mai 2022 relative au contrôle de conformité de la loi organique modifiant et complétant la loi organique n° 98-01 du 4 Safar 1419 correspondant au 30 mai 1998 relative aux attributions, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, à la Constitution.
La Cour constitutionnelle,
Sur saisine du Président de la République, conformément aux dispositions de l’article 190 (alinéa 5) de la Constitution, par lettre datée du 7 avril 2022, enregistrée au secrétariat général de la Cour constitutionnelle en date du 11 avril 2022, sous le numéro 50, aux fins de contrôler la conformité de la loi organique modifiant et complétant la loi organique n° 98-01 du 4 Safar 1419 correspondant au 30 mai 1998, modifiée et complétée, relative aux attributions, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, à la Constitution ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 34 (alinéa 4), 42, 78, 140 (alinéas 2 et 3), 143, 144, 145, 148, 165, 168, 171, 179 (alinéas 2, 3 et 5), 190 (alinéa 5) et 225 ;
Vu la délibération datée du 7 Chaoual 1443 correspondant au 8 mai 2022 fixant les règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle en matière de contrôle de conformité des lois organiques à la Constitution ;
Le membre rapporteur entendu ;
Après délibération ;
En la forme :
Attendu que la loi organique modifiant et complétant la loi organique n° 98-01 du 4 Safar 1419 correspondant au 30 mai 1998 relative aux attributions, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, modifiée et complétée, objet de saisine, à fait l’objet d’un dépôt comme projet a été déposé sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale par le Premier ministre après adoption en Conseil des ministres et avis du Conseil d’Etat, conformément à l’article 143 de la Constitution.
Attendu que la loi organique modifiant et complétant la loi organique n° 98-01 du 4 Safar 1419 correspondant au 30 mai 1998 relative aux attributions, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, modifiée et complétée, déférée à la Cour constitutionnelle aux fins de contrôler sa conformité à la Constitution, a été adoptée, conformément à l’article 140 de la Constitution, par l’Assemblée Populaire Nationale en sa séance plénière du 17 janvier 2022, et par le Conseil de la Nation en sa séance plénière du 30 mars 2022, tenues en la session ordinaire du Parlement 2021 – 2022.
Attendu que la saisine de la Cour constitutionnelle par le Président de la République à l’effet de contrôler la conformité de la loi organique complétant et modifiant la loi organique n° 98-01 du 4 Safar 1419 correspondant au 30 mai 1998 relative aux attributions, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, modifiée et complétée, à la Constitution, est intervenue conformément aux dispositions de l’article 190 (alinéa 5) de la Constitution.
Au fond :
Premièrement : En ce qui concerne l’intitulé de la loi organique, objet de contrôle de conformité :
Attendu que la Cour constitutionnelle a noté que l’intitulé de la loi organique objet de contrôle de conformité est libellé comme suit « … relative aux attributions, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat ».
Attendu que l’article 179 (alinéa 5) de la Constitution, a fait référence à l’intitulé de la loi organique en termes clairs, signifiants et précis, ainsi rédigé : « L’organisation, le fonctionnement et les attributions de la Cour suprême, du Conseil d’Etat et du tribunal des conflits, sont fixés par une loi organique ».
Se fondant sur ce qui précède, l’intitulé conforme à la Constitution de la loi organique sera ainsi libellé « … relative à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions du Conseil d’Etat ».
Deuxièmement : En ce qui concerne les visas de la loi organique, objet de saisine :
Attendu que la construction constitutionnelle de la législation organique, objet de contrôle de conformité, a omis de citer plusieurs articles de la Constitution de plus grande importance, se rapportant directement à la loi organique. Le législateur aurait dû s’y référer dans le contexte des visas. Il s’agit de ce qui est indiqué ci-après :
1- En ce qui concerne la non référence à l’article 34 (alinéa 4) de la Constitution :
Ainsi rédigé : « Afin de garantir la sécurité juridique, l’Etat veille, dans la mise en œuvre de la législation relative aux droits et libertés, à assurer son accessibilité, sa lisibilité et sa stabilité ».
Attendu que la notion de sécurité juridique a d’abord été mentionnée pour son importance dans le préambule de la Constitution et se lit comme suit : « Réaffirmant que la Constitution permet d’assurer la séparation et l’équilibre des pouvoirs, l’indépendance de la justice, ainsi que la protection et la sécurité juridique et démocratique et le contrôle de l’action des pouvoirs publics ».
Attendu que l’article ci-dessus, a fait que l’un des devoirs assurés de l’Etat est de garantir l’accès à la législation, et la Cour constitutionnelle est intimement convaincue que cela ne pourra se faire que par la publication dans le Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
2- En ce qui concerne la non référence à l’article 42 de la Constitution :
Ainsi rédigé : « Les personnes démunies ont droit à l’assistance judiciaire.
La loi détermine les conditions d’application de la présente disposition ».
Attendu que la Cour constitutionnelle juge que le droit à l’assistance judiciaire est l’un des droits constitutionnels prévus à l’article susvisé, et concerne une catégorie de personnes identifiées par lesdits texte et description.
3- En ce qui concerne la non référence à l’article 78 de la Constitution :
Ainsi rédigé : « Nul n’est censé ignorer la loi. Les lois et les règlements ne sont opposables qu’après leur publication par les voies officielles ».
Attendu que la Cour constitutionnelle reconnaît que cette disposition du Titre II, Chapitre II de la Constitution, portée aux avant-postes des devoirs en raison de son importance, concerne aussi bien les individus que les différents institutions et organes.
Attendu que le Conseil d’Etat, en tant que juridiction suprême de l’ordre judiciaire administratif, applique les lois et les réglementations relatives aux litiges qui lui sont déférés et, à l’instar des autres institutions et organes, est soumis à la règle selon laquelle la loi ou la règlementation doit être publiée avant son application, afin de s’assurer de l’existence de la présomption de connaissance du texte.
Attendu que, par conséquent, la publication des lois et règlements, outre de donner force probante au texte, permet, également aux individus d’y avoir accès et de connaître son contenu et sa tenue, ce qui représente dans la certitude de la Cour constitutionnelle, le premier devoir de sécurité juridique, et que par conséquent, le défaut de mentionner cette disposition constitutionnelle dans la construction constitutionnelle de la loi organique n° 98-01 susvisée, constitue une omission qu’il convient au législateur d’y remédier.
4- En ce qui concerne la non référence à l’article 171 de la Constitution :
Ainsi rédigé : « Dans l’exercice de sa mission, le juge est tenu d’appliquer les traités ratifiés, les lois de la République et les décisions de la Cour constitutionnelle ».
Attendu que l’article 171 susvisé, introduit en vertu de l’amendement constitutionnel de 2020, oblige le juge, dans l’exercice de sa fonction, d’appliquer les traités ratifiés, les lois de la République ainsi que les décisions de la Cour constitutionnelle.
Attendu que le terme « juge » a été cité dans l’article d’une manière générale, désignant de tel, tout juge relevant de l’ordre judiciaire ordinaire, ou de l’ordre judiciaire administratif, ce qui ne fait aucun doute pour la Cour constitutionnelle ; et que par conséquent, la Cour conclut que le défaut de référence à cet article de la Constitution dans les visas de la loi organique, objet de saisine, constitue également une omission qu’il incombe au législateur d’y remédier, essentiellement pour sa grande importance, le caractère sérieux de son objet et pour son lien étroit avec la loi organique soumise au contrôle.
5- En ce qui concerne la référence à l’article 224 de la Constitution :
Attendu que l’article susvisé, introduit dans les dispositions transitoires, ainsi rédigé : « Les institutions et organes dont le statut a été abrogé ou modifié dans la présente Constitution, poursuivent l’exercice de leurs missions jusqu’à leur remplacement par de nouvelles institutions et organes dans un délai n’excédant pas une année, à compter de la date de publication au Journal officiel de la présente Constitution ».
Attendu que la publication de l’amendement constitutionnel dans le Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire, a été faite en date du 15 Joumada El Oula 1442 correspondant au 30 décembre 2020.
Attendu que compte tenu de cette date, le délai susmentionné a expiré, et que par conséquent, la Cour constitutionnelle juge inutile de se référer à l’article susvisé pour le motif sus-évoqué.
6- En ce qui concerne la non référence à l’article 225 de la Constitution :
Ainsi rédigé : « Les lois dont la modification ou l’abrogation sont rendues nécessaires en vertu de la présente Constitution, demeurent en vigueur jusqu’à l’élaboration de nouvelles lois ou leur modification dans un délai raisonnable ».
Attendu que dans la conviction de la Cour constitutionnelle, cette disposition introduite dans la Constitution permettra aux anciennes lois de demeurer en vigueur jusqu’à leur remplacement par de nouvelles lois conformes à la Constitution, dans un délai raisonnable ; sachant qu’il ne faut, en aucun cas, abandonner instantanément les anciennes lois, qui doivent demeurer en vigueur jusqu’à ce que de nouvelles lois appropriées et conformes au contenu de la nouvelle Constitution soient promulguées. Par conséquent, l’article 225 de la Constitution renferme selon la conviction de la Cour constitutionnelle, une disposition d’une très grande importance dont le législateur est tenu d’insérer dans les visas, et que sa négligence relève des omissions qu’il convient de corriger.
En ce qui concerne les visas :
Attendu que la Cour constitutionnelle enregistre certaines lois d’une grande importance, étroitement liées à la loi organique, qui ont été exclues, par inadvertance, par le législateur, et qui doivent être citées en raison de leur lien étroit avec le texte soumis à son contrôle. Il s’agit de :
- En ce qui concerne la non référence à l’ordonnance n° 71- 57 du 5 août 1971, modifiée et complétée, relative à l’assistance judiciaire :
Attendu que le législateur n’a pas fait référence dans les visas de la loi organique objet de contrôle, à l’ordonnance n° 71-57 du 5 août 1971, modifiée et complétée, relative à l’assistance judiciaire, nonobstant le statut constitutionnel du droit à l’assistance judiciaire prévu à l’article 42 de la Constitution, ainsi libellé : « Les personnes démunies ont droit à l’assistance judiciaire ».
Attendu qu’eu égard aux considérations sus-citées, la Cour constitutionnelle reconnaît que le défaut de faire référence à cette ordonnance dans les visas de la loi organique n° 98-01 constitue une omission et qu’il incombe au législateur d’y remédier.
- En ce qui concerne la non référence à la loi n° 90-21 relative à la comptabilité publique :
Attendu que le législateur n’a pas fait référence dans les visas de la loi organique objet de saisine à la loi n° 90-21 du 15 août 1990 relative à la comptabilité publique, bien que la loi organique soumise au présent contrôle, stipule explicitement dans son article 13 que la gestion financière est régie par la loi relative à la comptabilité publique. Par conséquent, la non référence à la loi susvisée dans les visas de la loi organique, constitue également une omission qu’il convient de corriger.
Troisièmement : En ce qui concerne les articles de la loi organique, objet de saisine :
- S’agissant de l’article premier dans le corps du texte :
Attendu que la Cour constitutionnelle relève au niveau de l’article premier, un moyen relatif à l’emploi d’un terme ne figurant pas dans la Constitution et un autre moyen relatif à un renvoi absolu et imprécis.
Sur le moyen relatif à l’emploi d’un terme ne figurant pas dans la Constitution :
Attendu que l’article premier stipule ce qui suit : « La présente loi organique détermine, en application des dispositions de l’article 179 de la Constitution, les compétences, l’organisation et le fonctionnement du Conseil d’Etat ».
Attendu que le fondement de la remarque de la Cour constitutionnelle quant à l’article sus-évoqué, du premier moyen, est que le législateur ne s’est pas limité, une fois de plus, les termes contenus dans la Constitution. Le terme «وعمله » ne figure pas dans l’article 179 (alinéa 5) de la Constitution. En l’espèce, le législateur doit respecter les termes qui y sont contenus et reproduire fidèlement les articles de peur de s’écarter du véritable sens que leur a fixé le constituant.
Sur le moyen relatif à un renvoi absolu, objet de l’article 179 :
Attendu que l’article premier de la loi organique objet de contrôle de conformité, outre le terme non conforme à la Constitution, contient dans sa teneur un renvoi général, d’une manière absolue et non précise, à l’article 179 de la Constitution.
Attendu que compte tenu de ce qui précède, et conformément aux dispositions de la Constitution, le législateur aurait dû faire preuve de précision dans le renvoi et éviter les termes de portée générale, d’exclure tout alinéa n’ayant pas de lien avec l’objet de la loi organique, se référer uniquement aux alinéas concernés de l’article 179, à savoir : les alinéas 2, 3 et 5 et d’exclure les deux autres alinéas restants, à savoir les alinéas (1er et 4) ne se rapportant certainement pas à l’objet de la loi organique.
Attendu que compte tenu de ce qui précède, la Cour constitutionnelle formule le libellé exact de l’article 1er comme suit :
« La présente loi organique détermine, en application des dispositions de l’article 179 (alinéas 2, 3 et 5) de la Constitution, l’organisation, le fonctionnement et les attributions du Conseil d’Etat ».
Par ces motifs
Décide ce qui suit
En la forme :
Premièrement : Les procédures d’élaboration et d’adoption de la loi organique, objet de saisine, modifiant et complétant la loi organique n° 98-01 du 4 Safar 1419 correspondant au 30 mai 1998, modifiée et complétée, relative aux compétences, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, viennent en application des dispositions des articles 140 (alinéa 3), 143, 144 (alinéa 2), 145 (alinéas 1er, 2, 3 et 4) et 179 (alinéa 5) de la Constitution, et sont donc conformes à la Constitution.
Deuxièmement : La saisine de la Cour constitutionnelle par le Président de la République quant au contrôle de la conformité de la loi organique modifiant et complétant la loi organique n° 98-01 du 4 Safar 1419 correspondant au 30 mai 1998, modifiée et complétée, relative aux compétences, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat, vient en application des dispositions de l’article 190 (alinéa 5) de la Constitution, et est conforme à la Constitution.
Au fond :
Premièrement : La Cour constitutionnelle déclare la conformité de la loi organique relative au Conseil d’Etat, objet de saisine, à la Constitution, en prenant en considération ce qui suit :
– L’intitulé de la loi organique est reformulé comme suit : « … relative à l’organisation, au fonctionnement et aux attributions du Conseil d’Etat » ;
– Insérer les fondements constitutionnels suivants : articles 34 (alinéa 4), 42, 78, 171 et 225 de la Constitution ; – Supprimer l’article 224 de la Constitution des visas ;
– Insérer dans les visas les textes juridiques suivants :
- L’ordonnance n° 71-57 du 5 août 1971, modifiée et complétée, relative à l’assistance judiciaire ;
- La loi n° 90-21 du 15 août 1990, modifiée et complétée, relative à la comptabilité publique.
– L’article 1er de la loi organique, objet de saisine, sera ainsi reformulé :
« La présente loi organique détermine, conformément aux dispositions de l’article 179 (alinéas 2, 3 et 5) de la Constitution, l’organisation, le fonctionnement et les attributions du Conseil d’Etat ».
– La Cour constitutionnelle n’a relevé aucune violation à la Constitution quant au reste des articles de la loi organique, objet de saisine, qu’il convient, par conséquent, de les maintenir et de les consolider.
Deuxièmement : La présente décision sera notifiée au Président de la République.
Troisièmement : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en a-t-il été délibéré par la Cour constitutionnelle dans ses séances des 7 et 9 Chaoual 1443 correspondant aux 8 et 10 mai 2022.
Le président de la Cour constitutionnelle
Omar BELHADJ
— Leïla ASLAOUI, membre ;
— Bahri SAADALLAH, membre ;
— Mosbah MENAS, membre ;
— Djilali MILOUDI, membre ;
— Ameldine BOULANOUAR, membre ;
— Fatiha BENABBOU, membre ;
— Abdelouahab KHERIEF, membre ;
— Abbas AMMAR, membre ;
— Abdelhafid OSSOUKINE, membre ;
— Ammar BOUDIAF, membre ;
— Mohamed BOUTERFAS, membre.