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Avis n° 02 /A.C.C/I.C/24 du 4 Moharram 1446 correspondant au 10 juillet 2024 relatif à l’interprétation de la disposition contenue dans l’article 187 (alinéa 1er – tiret 2) de la Constitution.

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Avis n° 02 /A.C.C/I.C/24 du 4 Moharram 1446 correspondant au 10 juillet 2024 relatif à l’interprétation de la disposition contenue dans l’article 187 (alinéa 1er – tiret 2) de la Constitution.

La Cour constitutionnelle,

Sur saisine de la Cour constitutionnelle par un groupe de députés de l’Assemblée Populaire Nationale, conformément aux dispositions des articles 192 (alinéa 2) et 193 (alinéa 2) de la Constitution, par lettre datée du 29 juin 2024, enregistrée au greffe de la Cour constitutionnelle, en date du 30 juin 2024, sous le numéro 02/2024, visant à interpréter l’article 187 (alinéa 1er – tiret 2) de la Constitution ;

Vu la Constitution, notamment en ses articles 116-5°, 185, 192 (alinéa 2), 193 (alinéa 2), 194, 196 et 197 (alinéa 1er) ;

Vu la loi organique n° 22-19 du 26 Dhou El Hidja 1443 correspondant au 25 juillet 2022 fixant les procédures et modalités de saisine et de renvoi devant la Cour constitutionnelle, notamment son article 13 ;

Vu l’ordonnance n° 06-03 du 19 Joumada Ethania 1427 correspondant au 15 juillet 2006, complétée, portant statut général de la fonction publique ;

Vu la loi n° 99-05 du 18 Dhou El Hidja 1419 correspondant au 4 avril 1999, modifiée et complétée,

portant loi d’orientation sur l’enseignement supérieur ;

Vu le décret présidentiel n° 21-304 du 25 Dhou El Hidja 1442 correspondant au 4 août 2021 fixant les conditions et les modalités d’élection des professeurs de droit constitutionnel, membres de la Cour constitutionnelle ;

Vu le décret exécutif n° 08-130 du 27 Rabie Ethani 1429 correspondant au 3 mai 2008, modifié et complété, portant statut particulier de l’enseignant chercheur ;

Vu le règlement du 9 Safar 1444 correspondant au 5 septembre 2022 fixant les règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle, notamment ses articles 15 et 17 ;

Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle du 10 Safar 1444 correspondant au 6 septembre 2022, notamment ses articles 29, 31, 32, 33, 34, 35 et 36 ;

Les membres rapporteurs entendus,

 Après en avoir délibéré,

 En la forme :

 Attendu que la saisine déposée par un groupe de députés de l’Assemblée Populaire Nationale, dont le nombre est de quarante-cinq (45), aux fins d’interpréter une disposition constitutionnelle, satisfait aux conditions de forme.

Au fond :

 Attendu que les auteurs de la saisine considèrent que l’application dudit article a donné lieu à « des divergences d’interprétation », entre ceux qui exigent vingt (20) ans d’expérience, à compter de la première année d’emploi permanent dans un établissement d’enseignement supérieur, écartant ainsi les années de travail dans le cadre des contrats applicables dans le secteur de l’enseignement supérieur, qui sont des contrats à durée déterminée d’une année renouvelable ne conférant pas les mêmes droits et obligations qu’un enseignant permanent. En revanche, certains estiment qu’une telle interprétation est restrictive et pourrait exclure un grand nombre d’enseignants, à chaque fois, alors que le texte fait référence à l’expérience acquise dans un établissement d’enseignement supérieur. Cette expérience inclut les périodes de travail sous-contrat au début de la carrière professionnelle pour la plupart des enseignants. En outre, ajoutent les auteurs de la saisine, les périodes de travail

sous-contrat sont calculées et valorisées, par les services de la fonction publique, en tant que périodes d’expérience et sont, également, prises en compte lors des concours de recrutement pour des postes permanents, et à plus forte raison, lors de l’accomplissement du service national, qui est désormais valorisé dans le parcours professionnel du fonctionnaire par les lois récentes ;

Attendu que les auteurs de la saisine se sont interrogés sur la signification des vingt (20) ans d’expérience : son sens est-il fondé sur « les cours magistraux et le contact avec les étudiants, ou bien inclut-il aussi le statut des enseignants ayant occupé des postes administratifs et souhaitant se porter candidats et n’exerçant plus les tâches administratives ? » ; comment peuvent-ils « prouver qu’ils n’ont pas cessé d’enseigner tout au long de la période où ils assumaient des fonctions administratives ?, se demandent les auteurs de la saisine, à la lumière de l’interprétation qui considère l’expérience comme étant principalement l’enseignement, et non simplement l’appartenance au secteur de l’enseignement supérieur » ;

Attendu que l’article 192 (alinéa 2) de la Constitution prévoit que les instances, visées à l’article 193 de la Constitution, peuvent saisir la Cour constitutionnelle en vue d’interpréter une ou plusieurs dispositions constitutionnelles et d’émettre un avis, à ce propos ;

Attendu que cette disposition confère à la Cour constitutionnelle la compétence exclusive d’interpréter les dispositions constitutionnelles sans, pour autant, créer de nouvelles dispositions, son interprétation n’étant qu’un avis de nature à s’incorporer au texte, objet de l’interprétation, qui devient ainsi son prolongement, dans le sens que la Cour constitutionnelle a entendu donner ;

Attendu que la Cour constitutionnelle a déjà adopté une méthode d’interprétation des dispositions constitutionnelles afin de lever toute ambiguïté quant au texte et en dégager l’exacte signification, pour une meilleure compréhension de son contenu et de son objectif, pour assurer une application uniforme. Elle a, également, affirmé que le principe est de ne pas dévier l’interprétation des dispositions des objectifs et des intentions pour lesquels elles ont été édictées, et de ne pas les lire en dehors de leur sens véritable et de leur contexte, en vue d’éviter les différentes interprétations qui

pourraient les éloigner de l’objectif visé, dès lors que les dispositions constitutionnelles sont rédigées pour atteindre un but fixé par le constituant ;

Attendu que la Cour constitutionnelle souligne que sa méthode d’interprétation se fait principalement dans le cadre des limites des dispositions énoncées dans la Constitution, conformément aux exigences de l’article 192 (alinéa 2), ce qui implique que sa compétence dans ce domaine se limite à l’interprétation d’une ou de plusieurs dispositions constitutionnelles, sans empiéter sur la compétence d’autres institutions constitutionnelles, en matière d’interprétation des dispositions législatives et réglementaires ;

Attendu que la Cour constitutionnelle, de par sa méthode d’interprétation instaurée dans son avis n° 01/23 du 20 Moharram 1445 correspondant au 7 août 2023, ainsi que dans son avis n° 01/24 du 4 Rajab 1445 correspondant au 15 janvier 2024, a souligné que « l’interprétation d’une disposition contenue dans la Constitution ne peut se faire indépendamment des dispositions déterminées par d’autres dispositions de la Constitution qui ont un lien avec la disposition objet de l’interprétation, et ce, eu égard au rang et à la primauté de la Constitution, formant un seul et unique dispositif

indivisible. Cela étant, il est impératif d’établir un lien entre les dispositions constitutionnelles afin de dissiper toute ambiguïté et équivoque entachant le corps du texte, de déterminer l’exacte signification et teneur, de faciliter une meilleure compréhension et enfin d’assurer une application uniforme » ;

Attendu que, si la présente saisine porte sur l’article 187 (alinéa 1er – tiret 2) de la Constitution, quant à la signification de « jouir d’une expérience d’au moins, vingt (20) ans en droit », l’interprétation de ladite disposition est liée principalement à une disposition constitutionnelle antérieure, en l’occurrence l’article 186 (alinéa 1er – tiret 3) de la Constitution, qui dispose ce qui suit : « Six (6) élus au suffrage parmi les professeurs de droit constitutionnel. Le Présient d e la République détermine les conditions et les modalités d’élection de ces membres » ;

Attendu que la méthode adoptée par la Cour constitutionnelle, dans l’exercice de sa compétence interprétative, lui impose de se conformer stricto sensu aux dispositions constitutionnelles et de

procéder à l’interprétation dans son cadre et ses limites, en tenant compte de son contenu. Toutefois, la spécificité de l’objet de saisine oblige la Cour constitutionnelle à se référer à la réglementation émanant du Président de la République, en application d’un renvoi constitutionnel explicite sur l’objet, afin de lever toute ambiguïté quant aux dispositions constitutionnelles et de pouvoir statuer sur l’objet de saisine, sans enfreindre les dispositions prévues par la Constitution ;

Attendu que l’article 10 du décret présidentiel objet de renvoi, cité dans les visas de l’avis de la Cour  constitutionnelle, prévoit que tout candidat à l’élection de la Cour constitutionnelle, pour la catégorie des professeurs de droit constitutionnel, doit joindre à son dossier une attestation de fonction récente justifiant une expérience d’au moins, vingt (20) ans de service effectif en matière de droit dans les établissements de l’enseignement supérieur ;

Sur ce, l’expression « jouir d’une expérience d’au moins vingt 20 ans en droit… », contenue dans l’article 187 (alinéa 1er – tiret 2) de la Constitution, signifie : la période pendant laquelle un professeur de droit a accumulé une expérience avérée au titre de l’attestation prévue à l’article 10 du décret

susmentionné. Cette période ne peut inclure que les années d’enseignement effectif, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur ;

Attendu que l’assomption des responsabilités administratives au niveau des établissements d’enseignement supérieur ne dispense guère les personnes concernées de leurs tâches d’enseignement, dès lors que le volume horaire peut être aménagé pour concilier gestion administrative et enseignement ;

Attendu que si l’assomption des fonctions administratives est de nature à porter atteinte au principe d’égalité entre les candidats à la Cour constitutionnelle, le candidat devrait cesser d’exercer ses fonctions administratives dès l’acceptation de son dossier de candidature ;

Par conséquent,

 La Cour constitutionnelle émet l’avis suivant :

 Premièrement : En la Forme :

 La saisine est recevable.

Deuxièmement : Au fond :

 L’expression « jouir d’une expérience d’au moins vingt 20 ans en droit… » contenue dans l’article 187 (alinéa 1er – tiret 2) de la Constitution signifie : la période pendant laquelle un professeur de droit a accumulé une expérience avérée en vertu de l’attestation prévue à l’article 10 du décret susmentionné. Cette période ne peut inclure que les années d’enseignement effectif, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur.

Troisièmement : Le présent avis sera notifié au Président de la République, au Président du Conseil de la Nation, au Président de l’Assemblée Populaire Nationale, au Premier ministre et au délégué des auteurs de la saisine.

Quatrièmement : Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Ainsi en a-t-il été délibéré par la Cour constitutionnelle en sa séance tenue le 4 Moharram 1446 correspondant au 10 juillet 2024.

Le Président de la Cour constitutionnelle

Omar BELHADJ

— Leïla ASLAOUI, membre ;

— Bahri SAADALLAH, membre ;

— Mosbah MENAS, membre ;

— Naceurdine SABER ; membre ;

— Ameldine BOULANOUAR, membre ;

— Fatiha BENABBOU, membre ;

— Abdelouahab KHERIEF, membre ;

— Abbas AMMAR, membre ;

— Abdelhafid OSSOUKINE, membre ;

— Ammar BOUDIAF, membre ;

— Mohamed BOUTERFAS, membre.

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