Décision n° 12 /D.CC/L.I.P/24 du 24 Joumada El Oula 1446 correspondant au 26 novembre 2024 relative à la levée de l’immunité parlementaire d’un membre du Conseil de la Nation.
La Cour constitutionnelle,
Sur saisine par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 130 (alinéa 2) et 193 (alinéa 1er) de la Constitution, par lettre datée du 20 novembre 2024, sous le n° 736/P.M, à l’effet de la levée de l’immunité parlementaire d’un membre du Conseil de la Nation ;
Vu la Constitution, notamment en ses articles 129, 130 (alinéa 2) et 198 (alinéa in fine) ;
Vu la loi organique n° 22-19 du 26 Dhou El Hidja 1443 correspondant au 25 juillet 2022 fixant les procédures et modalités de saisine et de renvoi devant la Cour constitutionnelle ;
Vu le règlement du 9 Safar 1444 correspondant au 5 septembre 2022 fixant les règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle du 10 Safar 1444 correspondant au 6 septembre 2022 ;
Les membres rapporteurs entendus ;
Après en avoir délibéré ;
En la forme :
Attendu que le Premier ministre a saisi la Cour constitutionnelle, par lettre datée du 20 novembre 2024, sous le n° 736/P.M, aux fins de la levée de l’immunité parlementaire du membre du Conseil de la Nation (B.E.A) ;
Attendu que la saisine par le Premier ministre est intervenue conformément aux dispositions des articles 130 (alinéa 2) et 193 (alinéa 1er) de la Constitution, qu’il convient de la recevoir en la forme.
Au fond :
Attendu que le ministre de la justice, garde des sceaux a informé le Président du Conseil de la Nation, par correspondance, en date du 4 septembre 2024, sous le n° 01109/24 (MJGS), que le membre du Conseil de la Nation (B.E.A ), fait l’objet de poursuites judiciaires devant la Cour de Mila, et que les faits qui lui sont imputés revêtent un caractère pénal, dont les délits sont les suivants :
— l’utilisation autre qu’agricole d’une terre classée comme terre agricole ou à vocation agricole ;
— le délit de construction d’un lotissement à usage d’habitation sans permis et le délit de construction sans permis ;
— l’exercice d’une activité commerciale sans inscription au registre de commerce ;
— l’incitation à s’opposer par des voies de fait aux travaux ordonnés ou autorisés par l’autorité publique.
Le sollicitant a inviter le membre précité, à renoncer à son immunité, en application des dispositions de l’article 130 de la Constitution ;
Attendu que le ministre de la justice, garde des sceaux a adressé, pour la deuxième fois, une lettre de rappel, datée du 24 octobre 2024 sous le numéro 01313/24 (MJGS), au Président du Conseil de la Nation sollicitant l’invitation du membre précité, à renoncer à son immunité parlementaire, conformément aux dispositions de l’article 130 de la Constitution ;
Attendu que le membre du Conseil de la Nation (B.E.A), lui sont imputés des faits relatifs au commerce frauduleux portant sur un terrain situé dans la région El Kherba et le changement de sa nature agricole. Il aurait vendu ce terrain comme étant constitué de parcelles constructibles, et ce, en vertu de treize (13) actes sous seing ; et qu’après avoir contacté les services de la direction du cadastre et de la conservation foncière de la wilaya de Mila et obtenu les fichiers immobiliers, il est apparu que ceux-ci sont à usage agricole ; et qu’après confrontation des deux actes (nos 4 et 5) joints au plan d’affectation, au niveau des services concernés, il est également apparu que lesdits actes sont fictifs et ne correspondent pas aux biens immobiliers, objet des contrats sous seing ;
Attendu qu’il est reproché au membre du Conseil de la Nation sus-cité, d’avoir entamé des travaux de construction sans permis de construire et exercé des activités commerciales illégales en construisant une bâtisse de trois étages, dans la zone El Kherba, érigée en salle des fêtes, et ce, sans disposer des documents requis, notamment l’acte de propriété, le permis de construire et le registre de commerce ;
Attendu qu’il est également reproché au membre du Conseil de la Nation sus-cité, d’avoir incité à s’opposer par des voies de fait à des travaux ordonnés ou autorisés par l’autorité publique, suite à la décision du wali de procéder à la démolition du collège « Ben Etounsi Amar », telle mesure que les habitants de la région d’El Kherba n’ont pas acceptée, en organisant des manifestations ayant nécessité l’intervention des forces de sécurité et qui ont débouché sur des affrontements entre les deux parties. Il s’est avéré que le membre en question était le responsable de l’aggravation de la situation, ce qui a contraint le wali à revenir sur sa décision ;
Attendu que l’ensemble des faits reprochés au membre du Conseil de la Nation (B.E.A), revêtent un caractère pénal prévu par les articles suivants :
— Article 87 de la loi n° 08-16 du Aouel Chaâbane 1429 correspondant au 3 août 2008 portant orientation agricole ;
— Article 74 de la loi n° 08-15 du 17 Rajab 1429 correspondant au 20 juillet 2008 fixant les règles de mise en conformité des constructions et leur achèvement ;
— Article 77 de la loi n° 90-29 du 1er décembre 1990, modifiée et complétée, relative à l’aménagement et l’urbanisme ;
— Article 31 de la loi 04-08 du 27 Joumada Ethania 1425 correspondant au 14 août 2004, modifiée et complétée, relative aux conditions d’exercice des activités commerciales ;
— Articles 41 et 187 (alinéa 2) de l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966, modifiée et complétée, portant code pénal ;
Attendu que les faits qui sont reprochés au membre du Conseil de la Nation, « B.E.A », n’ont aucun lien avec ses missions parlementaires et revêtent un caractère pénal, conformément aux articles cités ci-dessus, qu’il convient de déclarer la levée de son immunité ;
Par ces motifs :
La Cour constitutionnelle décide de ce qui suit :
En la forme :
La saisine est recevable.
Au fond :
Premièrement : Déclare la levée de l’immunité parlementaire du membre du Conseil de la Nation « B.E.A ».
Deuxièmement : La présente décision est notifiée au Premier ministre, au Président du Conseil de la Nation et au ministre de la justice, garde des sceaux.
Troisièmement : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en a-t-il été délibéré par la Cour constitutionnelle en sa séance du 24 Joumada El Oula 1446 correspondant au 26 novembre 2024.
Le Président de la Cour constitutionnelle
Omar BELHADJ
— Leïla Aslaoui, membre ;
— Bahri Saadallah, membre ;
— Mosbah Menas, membre ;
— Naceurdine Saber, membre ;
— Ameldine Boulanouar, membre ;
— Fatiha Benabbou, membre ;
— Abdelouahab Kherief, membre ;
— Abbas Ammar, membre ;
— Abdelhafid Ossoukine, membre ;
— Ammar Boudiaf, membre ;
— Mohamed Bouterfas, membre.