Le Conseil constitutionnel,
Vu la saisine du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 165 alinéa 2, de la Constitution, par le Président de la république, en sa lettre datée du 17 chaabâne 1423 correspondant au 24 octobre 2002 et enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 26 octobre 2002 sous le n° 28/02 aux fins de contrôler la conformité de la loi organique portant statut de la magistrature à la Constitution ;
Vu la Constitution, notamment en ses articles 119 in fine, 120 alinéas 4 et 5, 123 5ème tiret et alinéas 2 et 3, 126 alinéa 2, 126 alinéa 2, 157, 162, 163 alinéa 1er, 165 alinéa 2, 167 alinéa 1er et 180 1er tiret ;
Vu le Règlement du 25 rabie el aoual 1421 correspondant au 28 juin 2000 fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;
Le membre rapporteur entendu ;
-Considérant que la saisine du Président de la République aux fins de contrôler la conformité de la loi organique portant statut de la magistrature est intervenue en application des dispositions de l’article 165 alinéa 2 de la Constitution ;
– Considérant que le projet de la loi organique objet de la saisine, a été déposé sur le Bureau de l’Assemblée populaire nationale le 17 décembre 1997 ;
– Considérant que la loi organique , objet de la saisine, a été adoptée par l’Assemblée populaire nationale le 12 janvier 1999 et par le Conseil de la Nation , à l’exception de cinq articles, le 11 décembre 1999 conformément aux dispositions de l’article 123 alinéa 2 de la Constitution ;
– Considérant que le texte portant sur les dispositions, objet du désaccord, proposé par la commission paritaire composé de membres des deux chambres a été adopté respectivement par l’Assemblée populaire nationale le 16 octobre 2002 et le Conseil de la Nation le 17 octobre 2002 conformément aux dispositions de l’article 120 alinéas 4 et 5 ;
– Considérant qu’en vertu des articles 162 et 163 alinéa 1er, le Constituant a chargé le Conseil constitutionnel, dans le cadre de sa mission de veiller au respect de la Constitution, de vérifier la conformité de l’action législative et exécutive avec la Constitution ;
-Considérant que l’article 180 1er tiret, de la Constitution dispose ce qui suit : « En attendant la mise en place des institutions prévues par la présente Constitution :
– les lois en vigueur, relevant du domaine organique demeurent applicables jusqu’à leur modification ou remplacement suivant les procédures prévues par la Constitution » ;
qu’ainsi, cet article fait obligation de surseoir à la modification ou au remplacement des lois en vigueur relevant du domaine organique, jusqu’à la mise en place des institutions prévues par la Constitution du 28 novembre 1996 ;
– Considérant qu’en vertu de l’article 119 in fine, les projets de lois sont présentés en Conseil des Ministres après avis du Conseil d’Etat puis déposés par le Chef du Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale ;
-Considérant que le projet de loi organique portant statut de la magistrature a été déposé par le Chef du Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale le 17 décembre 1997, avant même le parachèvement de la mise en place des institutions prévues par la Constitution du 28 novembre 1996 ;
-Considérant en conséquence, qu’en remplaçant par une loi organique, la loi 89-21 du 12 décembre 1989 portant statut de la magistrature, avant la mise en place des institutions prévues par la Constitution, les pouvoirs habilités à élaborer et adopter les projets de lois, auront méconnu les procédures prévues par les articles 180 1er tiret et 119 in fine de la Constitution.
-Considérant par ailleurs qu’en insérant, le statut de la magistrature dans le domaine des lois organiques prévues à l’article 123 5ème tiret, le constituant a classé cette matière dans ce domaine spécifique eu égard à l’importance de son objet ;
-Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 157 de la Constitution, la composition, le fonctionnement et les autres attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature sont fixés par une loi organique distincte , à l’instar des autres organes du pouvoir judiciaire ;
– Considérant que la loi organique, objet de la saisine, intitulé « statut de la magistrature » comprend le statut de la magistrature ainsi que les dispositions relatives à la composition, au fonctionnement et aux autres attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature ;
-Considérant qu’en insérant le statut de la magistrature dans le domaine spécifique des lois organiques prévues à l’article 123 de la Constitution et qu’en prévoyant la composition, le fonctionnement et les autres attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature à l’article 157 de la Constitution, le Constituant entendait établir la différence de fondement constitutionnel de chacune des deux matières ;
-Considérant qu’en prévoyant deux textes organiques séparés, l’un pour les matières relevant du statut de la magistrature, l’autre pour les matières relatives à la composition, au fonctionnement et aux autres attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature, le Constituant a institué une répartition stricte des domaines d’intervention de chaque loi organique ;
-Considérant qu’en prévoyant cette répartition, le Constituant entendait faire la distinction entre les règles et garanties statutaires, communes à l’ensemble des magistrats et les règles d’organisation, de fonctionnement des organes relevant du pouvoir judiciaire ainsi que leur attributions particulières ;
– Considérant en conséquence, qu’en insérant dans un même texte, des matières relevant de deux lois organiques distinctes, le législateur aura méconnu cette répartition.
Par ces motifs
Rend l’avis suivant
1) La saisine du Président de la République est conforme à la Constitution.
2) La loi organique portant statut de la magistrature n’est pas conforme à la Constitution
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en-a-t-il été délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 28 et 29 chaâbane et 4, 5, 6 7,8,9 et 11 ramadhan 1423 correspondant aux 4,5,9,10,11,12,13 , 14 et 16 novembre 2002.
Le Président du Conseil constitutionnel
Mohammed BEDJAOUI
Les membres du Conseil constitutionnel :
– Ali BOUBETRA,
– Fella HENI,
– Mohamed BOURAHLA,
– Nadhir ZERIBI,
– Nacer BADAOUI,
– Mohamed FADENE,
– Ghania LEBIED / MEGUELLATI,
– Khaled DHINA.