Le Conseil constitutionnel
– Sur saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République conformément aux dispositions de l’article 165 ( alinéa 2) de la Constitution, par lettre du 25 décembre 2011, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 25 décembre 2011 sous le n° 92 aux fins de contrôler la conformité de la loi organique relative aux partis politiques, à la Constitution ;
– Vu la Constitution, notamment en ses articles 31 bis, 42, 119 (alinéas 1 et 3), 120 (alinéas 1,2 et 3), 123, 125 (alinéa 2), 165 (alinéa 2) et 167 (alinéa 1) ;
– Vu le règlement du 25 Rabie El Aouel 1421 correspondant au 28 juin 2000 fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, modifié et complété ;
Le rapporteur entendu,
En la forme
– Considérant que le projet de la loi organique relative aux partis politiques, objet de saisine, a été déposé sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale par le Premier ministre, après avis du Conseil d’Etat, conformément à l’article 119 (alinéa 3) de la Constitution ;
– Considérant que la loi organique, objet de saisine, déférée au Conseil constitutionnel aux fins de contrôler sa conformité à la Constitution et dont le projet a fait l’objet, conformément à l’article 120 de la Constitution, de débat à l’Assemblée populaire nationale et au Conseil de la Nation, a été, conformément à l’article 123 (alinéa 2) de la Constitution, adoptée successivement par l’Assemblée populaire nationale en sa séance du 11 Moharrem 1433 correspondant au 06 décembre 2011, et par le Conseil de la Nation en sa séance du 27 Moharrem 1433 correspondant au 22 décembre 2011, tenues en la session ordinaire du Parlement ouverte le 06 Chaoual 1432 correspondant au 04 septembre 2011 .
– Considérant que la saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République à l’effet de contrôler la conformité de la loi organique relative aux partis politiques, à la Constitution, est intervenue conformément à l’article 165 (alinéa 2) de la Constitution.
Au fond
Premièrement : En ce qui concerne les visas de la loi organique, objet de saisine
1) Sur la non référence à l’article 119 de la Constitution, aux visas de la loi organique, objet de saisine
– Considérant que l’article 119 de la Constitution dispose, en son alinéa 1er, que l’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux députés et, en son alinéa 3, que les projets de lois sont présentés en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’Etat, puis déposés par le Premier ministre sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale ;
– Considérant que cet article fixe les procédures auxquelles doit obéir le projet de loi avant d’être soumis aux deux chambres du parlement pour débat ;
– Considérant en conséquence, que cet article constitue un fondement constitutionnel à la loi organique, objet de saisine, et que sa non insertion dans les visas, constitue une omission qu’il convient de corriger.
2) Sur la non référence à l’article 120 de la Constitution, aux visas de la loi organique, objet de saisine
– Considérant que l’article 120 de la Constitution prévoit, en son alinéa 1, que, pour être adopté, tout projet ou proposition de loi, doit faire l’objet d’une délibération successivement par l’Assemblée populaire nationale et par le Conseil de la Nation;
– Considérant que cet article prévoit, en son alinéa 2, que la discussion de l’Assemblée populaire nationale porte sur le texte qui lui est présenté, de même qu’il prévoit, en son alinéa 3, que le Conseil de la Nation délibère sur le texte voté par l’Assemblée populaire nationale et l’adopte à la majorité des trois quart (3/4) de ses membres ;
– Considérant que l’article 120 (alinéas 1, 2 et 3) est un élément essentiel de la procédure d’adoption de la loi et constitue, par conséquent, un fondement constitutionnel à la loi organique, objet de saisine;
– Considérant, en conséquence, que la non insertion de cet article dans les visas, constitue une omission qu’il convient de corriger.
3) Sur la non référence à l’article 126 de la Constitution aux visas de la loi organique, objet de saisine
– Considérant que l’article 126 de la Constitution dispose : « La loi est promulguée par le Président de la République dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de sa remise.
Toutefois, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi par l’une des autorités prévues à l’article 166 ci-dessous, avant la promulgation de la loi, ce délai est suspendu jusqu’à ce qu’il soit statué par le Conseil constitutionnel dans les conditions fixées à l’article 167 de la Constitution. »
– Considérant que l’article 126 est essentiel dans la promulgation de la loi et constitue, un fondement constitutionnel à la loi organique, objet de saisine ;
– Considérant, en conséquence, que la non insertion de l’article 126 de la Constitution par le législateur dans les visas de la loi organique, constitue une omission qu’il convient de corriger.
4) Sur la non référence à l’alinéa 2 de l’article 165 de la Constitution
– Considérant qu’en vertu de l’alinéa 2 de l’article 165 de la Constitution, le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, émet un avis obligatoire sur la constitutionnalité des lois organiques après leur adoption par le parlement ;
– Considérant que le législateur a fait référence dans les visas de la loi organique, à l’article 165 de la Constitution sans préciser l’alinéa 2 de cet article qui se rapporte, en particulier, aux lois organiques ;
– Considérant, par conséquent, que la non précision de l’alinéa 2 à l’article 165 dans les visas de la loi organique, objet de saisine, constitue une omission qu’il convient de corriger.
5) Sur la référence aux articles 179 et 180 de la Constitution dans les visas de la loi organique, objet de saisine, pris ensemble en raison de la similitude de leurs motifs:
– Considérant qu’aux termes de l’article 179, l’instance législative alors en place et jusqu’à la fin de son mandat, ainsi que le Président de la République, à l’issue du mandat de l’instance législative et jusqu’à l’élection de l’Assemblée populaire nationale, légifèrent par ordonnances, y compris dans les domaines relevant, en vertu de la Constitution de 1996, du domaine des lois organiques ;
– Considérant que l’article 180 prévoit qu’en attendant la mise en place des institutions prévues par la Constitution de 1996, les lois en vigueur, relevant du domaine organique demeurent applicables jusqu’à leur modification ou remplacement suivant les procédures prévues par cette Constitution ; que le Conseil constitutionnel, dans sa représentation d’alors, continue d’assurer les prérogatives qui lui sont dévolues jusqu’à l’installation des institutions représentées en son sein et que l’Assemblée populaire nationale élue assurera la plénitude du pouvoir législatif jusqu’à l’installation du Conseil de la Nation ;
– Considérant que ces deux articles prévus à titre transitoire, ont atteint les objectifs que leur a assignés le constituant et n’ont, par conséquent, aucun rapport avec la loi organique, objet de saisine.
6) Sur la non référence à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale dans les visas la loi organique, objet de saisine.
– Considérant que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a fixé les principes et les modalités sur lesquels repose la réconciliation nationale et a mandaté le Président de la République pour prendre toutes les mesures visant la concrétisation de la teneur des dispositions de la Charte;
– Considérant que le législateur a mentionné, dans les visas de la loi organique, objet de saisine, l’ordonnance portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale sans faire référence à la Charte qui constitue le fondement juridique de cette ordonnance;
– Considérant que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée par référendum populaire, est l’expression directe de la volonté souveraine du peuple ; qu’elle occupe, par conséquent, dans la hiérarchie des normes, un rang supérieur à celui des lois organiques et ordinaires au regard de la différence des procédures d’élaboration, d’adoption et de contrôle constitutionnel;
– Considérant, par conséquent, que la non insertion de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale dans les visas, constitue une omission qu’il convient de corriger en intégrant ce texte juste après la Constitution.
7) Sur l’agencement des visas de la loi organique, objet de saisine
– Considérant que le législateur a retenu, dans l’agencement des visas de la loi organique, objet de saisine, l’ordre chronologique de promulgation des lois ;
– Considérant que s’il est loisible au législateur d’opter pour la date de promulgation en tant que procédé d’agencement des lois relevant d’une même catégorie juridique, il doit, en revanche, retenir, pour l’agencement général des textes de différentes catégories, le principe de la hiérarchie des normes juridiques;
– Considérant, en conséquence, qu’en retenant uniquement la date de promulgation des textes pour l’agencement des visas, cela constitue une omission qu’il convient de corriger.
Deuxièmement : En ce qui concerne les articles de la loi organique, objet de saisine
1) Sur l’article 8 de la loi organique, objet de saisine, ainsi rédigé :
« Art.8 : Conformément aux dispositions de la Constitution, le parti politique ne peut fonder sa création sur une base religieuse, linguistique, raciale, de sexe, corporatiste, professionnelle ou régionaliste.
Il ne peut recourir à la propagande partisane portant sur les éléments mentionnés ci-dessus. »
– Considérant qu’en insérant dans cet article, le terme « professionnelle » aux côtés des autres fondements sur lesquels il est interdit de créer un parti politique prévus à titre exclusif, à l’article 42 de la Constitution, le législateur aura élargi les bases sur lesquelles un parti politique ne peut être fondé ;
– Considérant que l’article 42 de la Constitution, n’a pas renvoyé à la loi, la détermination d’autres fondements pour créer un parti politique ;
– Considérant qu’en procédant de la sorte, le législateur a outrepassé la volonté du constituant telle qu’elle ressort de l’article 42 de la Constitution ; que, par conséquent, l’ajout du terme « professionnelle » est non conforme à la Constitution, d’une part ;
– Considérant d’autre part, que le législateur a inséré à l’article 8 de la loi organique, des dispositions de la Constitution en reprenant textuellement les alinéas 3 et 4 de l’article 42 de la Constitution, à l’exception du terme « professionnelle» sus visé ;
– Considérant qu’en vertu du principe constitutionnel de la répartition des compétences, le législateur est tenu de respecter, dans l’exercice de sa compétence de légiférer, le domaine réservé par la Constitution au texte qui lui est soumis ; qu’il ne doit pas y insérer des dispositions relevant de par la Constitution, du domaine d’autres textes de lois ;
– Considérant que la reprise textuelle de certaines dispositions de la Constitution dans la présente loi organique, ne saurait constituer en elle-même, un acte de légiférer, mais une simple reprise de dispositions relevant du domaine de compétence d’un texte différent aux plans des procédures d’élaboration, d’adoption et de modification prévues par la Constitution ;
– Considérant en conséquence, qu’en reprenant textuellement le contenu des alinéas 3 et 4 de l’article 42 de la Constitution, le législateur aura méconnu le principe constitutionnel de la répartition des compétences ; que de ce fait, l’article 8 de la loi organique, objet de saisine, est non conforme à la Constitution.
2) Sur le premier tiret de l’article 18 de la loi organique, objet de saisine, ainsi rédigé :
« Art. 18 : Les membres fondateurs d’un parti politique doivent remplir les conditions suivantes :
– être de nationalité algérienne d’origine ;
– …..
– ……
– ……
– ……………………. »
– Considérant qu’en exigeant du membre fondateur d’un parti politique, la nationalité algérienne d’origine, le législateur aura repris une disposition sur laquelle le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé dans son avis n° 01/A.O/LO/CC du 27 Chaoual 1417 correspondant au 6 mars 1997 relatif au contrôle de la conformité de l’ordonnance portant loi organique relative aux partis politiques, à la Constitution, en concluant, sur le fondement de l’article 30 de la Constitution, à sa non conformité à la Constitution ;
– Considérant qu’il échet de rappeler, au regard de ce qui précède, que les avis et décisions du Conseil constitutionnel sont définitifs, ne sont susceptibles d’aucun recours et continuent de produire leurs effets aussi durablement que les motifs qui fondent leur dispositif n’auront pas disparu et tant que les dispositions de la Constitution n’auront pas été révisées.
3) Sur le dernier tiret de l’article 20 de la loi organique, objet de saisine
– Considérant qu’en vertu de ce tiret, il est exigé des membres fondateurs, un certificat de résidence à joindre au dossier de déclaration de constitution d’un parti politique qui sera déposé auprès du ministère chargé de l’Intérieur ;
– Considérant que la condition de résider sur le territoire national exigé du membre fondateur du parti politique s’oppose aux dispositions de l’article 44 de la Constitution qui affirme que tout citoyen jouissant de ses droits civils et politiques a le droit de choisir librement le lieu de sa résidence ;
– Considérant qu’en s’abstenant de lier au territoire, le libre choix du lieu de résidence, le constituant visait à permettre à tout citoyen d’exercer l’une des libertés fondamentales consacrée par la Constitution, celle du libre choix de son lieu de résidence à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national;
– Considérant en conséquence, que si l’intention du législateur, en exigeant du fondateur du parti politique de fournir un certificat de résidence, n’est pas d’exiger de lui la résidence sur le territoire national, mais de demander ce document comme pièce administrative du dossier ; que dans ce cas, le dernier tiret de l’article 20 de la loi organique, objet de saisine, est conforme à la Constitution.
4) Sur le tiret 4 de l’article 73 de la loi organique, objet de saisine ainsi rédigé :
« Art. 73 : La dissolution judicaire du parti politique entraine :
–……………
–……………
–…………….
– la déchéance de ses élus de leur mandat électif,
–……………….. » .
– Considérant qu’en prévoyant, au tiret 4 de l’article 73, la déchéance des élus du parti dissous par voie judiciaire de leur mandat électif, le législateur aura lié la déchéance de l’élu de son mandat à la dissolution du parti politique;
– Considérant qu’aux termes de l’article 10 de la Constitution, la représentation du peuple n’a d’autres limites que celles fixées par la Constitution et la loi électorale ;
– Considérant que la déchéance des élus aux assemblées nationales et locales, de leur mandat électif ne s’opère que suivant les conditions et les procédures fixées à l’article 107 de la Constitution et la loi organique portant régime électoral ;
– Considérant en conséquence, que la déchéance des élus de leur mandat électif ne saurait être liée à leur appartenance partisane ; qu’il s’en suit, que le tiret 4 de l’article 73 de la loi organique, objet de saisine, est non conforme à la Constitution.
Par ces motifs
Rend l’avis suivant :
En la forme
Premièrement : Les procédures d’élaboration et d’adoption de la loi organique relative aux partis politiques, objet de saisine, sont intervenues en application des dispositions des articles 119 (alinéas 1 et 3) et 123 (alinéa 2) de la Constitution, et sont, par conséquent, conformes à la Constitution.
Deuxièmement : La saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République à l’effet de contrôler la conformité de la loi organique relative aux partis politiques, à la Constitution est intervenue en application des dispositions de l’article 165( alinéa2) de la Constitution, et est, par conséquent, conforme à la Constitution.
Au fond
Premièrement : En ce qui concerne les visas
1) Suppression de la référence aux articles 179 et 180 de la Constitution.
2) Ajout de la référence à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale,
3) Réagencement des visas de la loi organique comme suit :
– Vu la Constitution, notamment les articles 31bis, 42, 119 (alinéa 1 et 3), 120 (alinéa 1, 2 et 3), 123, 125 (alinéa 2) et 126 et 165 (alinéa 2) ;
– Vu la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée par référendum du 29 septembre 2005 ;
– Vu l’ordonnance n°97-09 du 27 Chaoual 1417 correspondant au 06 mars 1997 portant loi organique relative aux partis politiques ;
– Vu la loi organique n°98-01 du 4 safar 1419 correspondant au 30 mai 1998, modifiée et complétée, relative aux compétences, à l’organisation et au fonctionnement du Conseil d’Etat ;
– Vu l’ordonnance n°66-155 du 18 safar 1386 correspondant au 08 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale ;
– Vu l’ordonnance n°66-156 du 18 safar 1386 correspondant au 08 juin 1966, modifiée et complétée, portant code pénal ;
– Vu l’ordonnance n°75-58 du 20 Ramadhan 1395 correspondant au 26 septembre 1975, modifiée et complétée, portant code civil ;
– Vu la loi n°89-28 du 3 Djoumada Ethania 1410 correspondant au 31 décembre 1989, modifiée et complétée, relative aux réunions et manifestations publiques ;
– Vu la loi n°90-07 du 08 Ramadhan 1410 correspondant au 03 avril 1990, modifié, relative à l’information ;
– Vu la loi n°91-05 du 30 Djoumada Ethania 1411 correspondant au 16 janvier 1991, modifiée et complétée, relative à la généralisation de la langue arabe ;
– Vu la loi n°06-01 du 21 Moharrem 1427 correspondant au 20 février 2006, complétée, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption ;
– Vu l’ordonnance n°06-01 du 28 Moharrem 1427 correspondant au 27 février 2006, portant mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale ;
– Vu la loi n°08-09 du 18 Safar 1429 correspondant au 25 février 2008, portant code de procédure civile et administrative.
Deuxièmement : En ce qui concerne les articles de la loi, organique, objet de saisine :
1- L’article 8 est non conforme à la Constitution.
2- Le tiret 1 de l’article 18 est partiellement conforme à la Constitution et sera reformulé comme suit :
« Art. 18 : Les membres fondateurs d’un parti politique doivent remplir les conditions suivantes :
– être de nationalité algérienne ;
– …..
– ……
– ……
– ……………………. »
3- L’article 20 est conforme à la Constitution, sous le bénéfice de la réserve sus évoquée.
4- Le tiret 4 de l’article 73 est non conforme à la Constitution.
Troisièmement : les dispositions, totalement ou partiellement non conformes à la Constitution, sont séparables du reste des dispositions de la loi organique, objet de saisine.
Quatrièmement : Le reste des dispositions de la loi organique, objet de saisine, est conforme à la Constitution.
Cinquièmement : Le présent avis sera notifié au Président de la République.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en a –t-il été délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 10, 11, 12 et 13 Safar 1433 correspondant aux 4, 5, 6 et 7 janvier 2012.
Le Président du Conseil constitutionnel
Boualem BESSAIH
Les membres du Conseil constitutionnel :
Hanifa BENCHABANE
Mohamed HABCHI
Badreddine SALEM
Hocine DAOUD
Mohamed ABBOU
Mohamed DIF
Farida LAROUSSI née BENZOUA
El-Hachemi ADDAL
Le Conseil constitutionnel
– Sur saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République conformément aux dispositions de l’article 165 ( alinéa 2) de la Constitution, par lettre du 25 décembre 2011, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 25 décembre 2011 sous le n° 93 aux fins de contrôler la conformité de la loi organique relative à l’information, à la Constitution ;
– Vu la Constitution, notamment en ses articles 3, 3 bis, 34, 35, 36, 38, 39, 41, 63, 119 (alinéas 1 et 3), 120, 123 (alinéa 4), 125 (alinéa 2), 126, 163 (alinéa 1), 165 (alinéa 2) et 167 (alinéa 1) ;
– Vu le règlement du 25 Rabie El Aouel 1421 correspondant au 28 juin 2000 fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel, modifié et complété,
Le rapporteur entendu,
En la forme
– Considérant que le projet de la loi organique relative à l’information, objet de saisine, a été déposé sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale par le Premier ministre, après avis du Conseil d’Etat, conformément à l’article 119 (alinéa 3) de la Constitution.
– Considérant que la loi organique, objet de saisine, déférée au Conseil constitutionnel aux fins de contrôler sa conformité à la Constitution et dont le projet a fait l’objet, conformément à l’article 120 de la Constitution, de débat à l’Assemblée populaire nationale et au Conseil de la Nation, a été, conformément à l’article 123 (alinéa 2) de la Constitution, adoptée successivement par l’Assemblée populaire nationale en sa séance du 19 Moharram 1433 correspondant au 14 décembre 2011, et par le Conseil de la Nation en sa séance du 27 Moharram 1433 correspondant au 22 décembre 2011, tenues en la session ordinaire du Parlement ouverte le 06 Chaoual 1432 correspondant au 04 septembre 2011.
– Considérant que la saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République à l’effet de contrôler la conformité de la loi organique relative à l’information, à la Constitution, est intervenue conformément à l’article 165 (alinéa 2) de la Constitution.
Au fond
Premièrement : En ce qui concerne les visas de la loi organique, objet de saisine
1) Sur la non référence à l’article 165 alinéa 2 de la Constitution
– Considérant que l’article 165(alinéa 2) de la Constitution dispose : « Le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, émet un avis obligatoire sur la constitutionnalité des lois organiques après leur adoption par le parlement. »;
– Considérant que le législateur dans les visas de la loi, n’a pas fait référence à l’alinéa 2 de l’article 165 de la Constitution, qui se rapporte, en particulier, aux lois organiques ;
– Considérant en conséquence, que la non insertion de l’article 165, alinéa 2, dans les visas de la loi organique, objet de saisine, constitue une omission qu’il y a lieu de corriger.
2) Sur l’agencement des visas de la loi organique, objet de saisine
– Considérant que l’agencement des visas de la loi organique, objet de saisine, retenu par le législateur, repose sur l’ordre chronologique de promulgation des textes de lois ;
– Considérant que s’il est loisible au législateur d’opter pour la date de promulgation en tant que procédé d’agencement des lois relevant d’une même catégorie juridique, il doit, en revanche, retenir, pour l’agencement général des textes de différentes catégories, le principe de la hiérarchie des normes juridiques;
– Considérant, en conséquence, qu’en retenant uniquement la date de promulgation des textes pour l’agencement des visas, le législateur fait une omission qu’il convient de corriger.
Deuxièmement : En ce qui concerne les articles de la loi organique, objet de saisine
1- Sur le tiret 5 de l’article 23 de la loi organique, objet de saisine,
– Considérant qu’aux termes du tiret 5 de l’article 23 de la loi organique, objet de saisine, il est exigé du directeur responsable de toute publication périodique de résider en Algérie ;
– Considérant que le Conseil constitutionnel, lors de son contrôle de la conformité de la loi organique relative aux partis politiques, a rendu l’avis n° 01/A.O/LO/CC du 27 Chaoual 1417 correspondant au 6 mars 1997 dans lequel il a conclu que l’exigence de la résidence régulière en Algérie n’est pas conforme à la Constitution en son article 44 ;
– Considérant qu’il échet de rappeler, au regard de ce qui précède, que les avis et décisions du Conseil constitutionnel sont définitifs et ne sont susceptibles d’aucun recours et qu’ils continuent de produire leurs effets aussi durablement que les motifs qui fondent leur dispositif n’auront pas disparu et tant que les dispositions de la Constitution n’auront pas été révisées.
– Considérant, par conséquent, que le tiret 5 de l’article 23 susvisé portant sur la condition de résidence en Algérie, est non conforme à la Constitution.
2- Sur l’article 45 de la loi organique, objet de saisine, ainsi rédigé :
« Art. 45 : Le fonctionnement et l’organisation de l’autorité de régulation de la presse écrite sont fixés par des dispositions internes publiées au Journal officiel de la république algérienne démocratique et populaire. »
– Considérant que le législateur organique a fixé à l’article 40 de la présente loi organique, les attributions de l’autorité de régulation de la presse écrite en tant qu’autorité indépendante jouissant de la personnalité morale ;
– Considérant que le législateur a donné compétence à l’autorité de régulation de la presse écrite, de fixer les règles de son fonctionnement et de son organisation dans des dispositions internes sans en préciser la nature;
– Considérant que si le législateur entend par là, que les règles de fonctionnement et d’organisation de l’autorité de régulation de la presse écrite, sont fixées dans un règlement intérieur qui ne comporte, lors de son élaboration, aucune disposition touchant aux attributions d’autres institutions ou autorités et dont la mise en œuvre ne nécessite ni l’implication ni l’intervention de ces dernières ; que dans ce cas et au regard du principe constitutionnel de la répartition des compétences, le présent article est, sous cette réserve, conforme à la Constitution.
Par ces motifs
Rend l’avis suivant :
En la forme
Premièrement : Les procédures d’élaboration et d’adoption de la loi organique relative à l’information, objet de saisine, sont intervenues en application des dispositions des articles 119 (alinéas 1 et 3) et 123 (alinéa 2) de la Constitution, et sont, par conséquent, conformes à la Constitution.
Deuxièmement : La saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République à l’effet de contrôler la conformité de la loi organique relative à l’information, à la Constitution est intervenue en application des dispositions de l’article 165(alinéa2) de la Constitution, et est, par conséquent, conforme à la Constitution.
Au fond
Premièrement : En ce qui concerne les visas de la loi organique, objet de saisine :
1- Ajout de l’article 165(alinéa 2) de la Constitution aux visas de la loi organique, objet de saisine;
2- Réagencement des visas de la loi organique, objet de saisine, comme suit :
– Vu la Constitution, notamment en ses articles 3, 3bis, 34, 35, 36, 38, 39, 41, 63, 119, 120, 123 (alinéa 4), 125 (alinéa 2) et 126,
– Vu l’ordonnance n°97-07 du 27 Chaoual 1417 correspondant au 06 mars 1997, modifiée et complétée, portant loi organique, relative au régime électoral,
– Vu l’ordonnance n°97-09 du 27 Chaoual 1417 correspondant au 06 mars 1997, portant loi organique relative aux partis politiques,
– Vu la loi organique n°98-01 du 4 Safar 1419 correspondant au 30 mai 1998, modifiée et complétée, relative aux compétences, à l’organisation et au fonctionnement du conseil d’Etat,
– Vu l’ordonnance n°66-155 du 18 Safar 1386 correspondant au 08 juin 1966, modifiée et complétée, portant code de procédure pénale,
– Vu l’ordonnance n°66-156 du 18 Safar 1386 correspondant au 08 juin 1966, modifiée et complétée, portant code pénal,
– Vu l’ordonnance n°75-58 du 20 Ramadhan 1395 correspondant au 26 septembre 1975, modifiée et complétée, portant code civil,
– Vu l’ordonnance n°75-59 du 20 Ramadhan 1395 correspondant au 26 septembre 1975, modifiée et complétée, portant code de commerce,
– Vu la loi n°84-17 du 8 Chaoual 1404 correspondant au 07 juillet 1984, modifiée et complétée, relative aux lois de finances,
– Vu la loi n°88-01 du 22 Djoumada Al-Oula 1408 correspondant au 12 janvier 1988, modifiée, portant loi d’orientation sur les entreprises publiques économiques,
– Vu la loi n°88-09 du 20 Djoumada Ethania 1408 correspondant au 26 janvier 1988, relative aux archives nationales,
– Vu la loi n°90-07 du 08 Ramadhan 1410 correspondant au 03 avril 1990, relative à l’information,
– Vu la loi n°90-11 du 26 Ramadhan 1410 correspondant au 21 avril 1990, modifiée et complétée, relative aux relations de travail,
– Vu la loi n°90-30 du 14 Djoumada Al-Oula 1411 correspondant au 01 décembre 1990, modifiée et complétée, portant loi domaniale,
– Vu la loi n°90-31 du 17 Djoumada Al-Oula 1411 correspondant au 04 décembre 1990, relative aux associations,
– Vu la loi n°91-05 du 30 Djoumada Ethania 1411 correspondant au 16 janvier 1991, modifiée et complétée, relative à la généralisation de la langue arabe,
– Vu l’ordonnance n°95-20 du 19 safar 1416 correspondant au 17 juillet 1995, modifiée et complétée, relative à la cour des comptes,
– Vu l’ordonnance n°96-16 du 16 safar 1417 correspondant au 02 juillet 1996, relative au dépôt légal,
– Vu la loi n°97-02 du 30 Ramadhan 1418 correspondant au 31 décembre 1997, portant loi de finances pour 1998,
– Vu la loi n°98-04 du 20 safar 1419 correspondant au 15 juin 1998, relative à la protection du patrimoine culturel,
– Vu la loi n°2000-03 du 05 Djoumada El-Oula 1421 correspondant au 5 août 2000, modifiée et complétée, fixant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications,
– Vu l’ordonnance n°03-03 du 19 Djoumada El-Oula 1424 correspondant au 19 juillet 2003, modifiée et complétée, relative à la concurrence,
– Vu l’ordonnance n°03-05 du 19 Djoumada El-Oula 1424 correspondant au 19 juillet 2003, relative au droit d’auteur et aux droits voisins,
– Vu la loi n°07-11 du 15 Dhou El Kaada 1428 correspondant au 25 novembre 2007, modifiée, portant système comptable financier,
– Vu la loi n°08-09 du 18 safar 1429 correspondant au 25 février 2008, portant code de procédure civile et administrative,
– Vu la loi n°09-04 du 14 Chaabane 1430 correspondant au 5 août 2009, portant règles particulières relatives à la prévention et à la lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication,
Deuxièmement : En ce qui concerne les articles de la loi organique, objet de saisine :
1- Le tiret 5 de l’article 23 de la loi organique, objet de saisine est non conforme à la Constitution.
2- L’article 45 de la loi organique, objet de saisine, est conforme à la Constitution, sous le bénéfice de la réserve sus évoquée.
Troisièmement : Le reste des dispositions de la loi organique, objet de saisine, sont conformes à la Constitution.
Quatrièmement : Les dispositions non conformes à la Constitution sont séparables du reste des dispositions de la loi organique, objet de saisine.
Cinquièmement : Le présent avis sera notifié au Président de la République.
Le présent avis sera publié au au au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en a –t-il été délibéré par le Conseil constitutionnel dans ses séances des 10, 11, 12 et 13 Safar 1433 correspondant aux 4, 5, 6 et 7 janvier 2012.
Le Président du Conseil constitutionnel
Boualem BESSAIH
Les membres du Conseil constitutionnel :
Hanifa BENCHABANE
Mohamed HABCHI
Badreddine SALEM
Hocine DAOUD
Mohamed ABBOU
Mohamed DIF
Farida LAROUSSI née BENZOUA
El-Hachemi ADDALA